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DOIT-ON S’IMPOSER PLUS D’INTERDICTIONS QUE N’EN A PRÉVU LA TORAH ?

Peut-être se dira-t-on : « Puisque l’envie, le désir, l’ambition et toutes les passions qui leur ressemblent, constituent la mauvaise voie et abrègent la vie de l’homme, je m’en vais y renoncer totalement et je m’en éloignerai jusqu’à l’extrême qui en est la négation. » Si bien que l’on ne consommera ni viande, ni vin, que l’on ne se mariera pas, que l’on ne consentira pas à habiter un logis avenant, que l’on portera non pas une élégante vêture, mais seulement un sac et de la bure à la façon des prêtres idolâtres.

Or cette voie est, elle aussi, mauvaise et il est interdit de la suivre. Celui qui l’emprunte mérite le nom de pécheur. La Torah, en effet, dit du nazir (abstème): « Et il fera propitiation sur lui parce qu’il a péché contre lui-même » (Nombres 6,11).Or, disent les sages, si un nazir, qui n’a renoncé qu’au vin, a besoin qu’il soit fait propitiation sur lui, l’homme qui s’est privé de toutes les jouissances sans exception requiert a fortiori le même traitement. C’est pourquoi, ils ont pres­crit de ne se priver que de ce qui tombe sous une interdiction de la Loi, sans aller s’interdire encore par vœux ou serments ce que la Loi autorise. « Trouverais-tu insuffisantes, s’écrient les Sages, les interdictions que comporte la Loi que tu t’en imposes d’inédites »?

Ces paroles visent également les personnes qui jeûnent perpé­tuellement : elles ne sont pas dans la bonne voie. Aussi les sages ont-ils interdit de se torturer par des jeûnes. Et c’est la pensée de tels excès ou d’excès analogues qui a dicté à Salomon ce conseil « Ne sois pas juste à l’excès et ne t’ingénie pas trop à être sage, pour­quoi t’exposeras à la ruine ? » (Ecclésiaste 7,16)

Il est nécessaire que l’homme oriente son esprit et toutes ses actions vers la connaissance de D.ieu, béni soit-il, et vers elle seulement. Qu’il s’assoie, se lève ou parle, il ne fait rien qu’avec cette fin en vue. De quelle manière ? Eh bien, commerçant ou salarié, il ne pensera pas uniquement au fait qu’il amasse ainsi de l’argent, mais il se livrera à ces occupations avec le sentiment que, par leur moyen, il pourra satisfaire aux exigences fondamentales du corps telles que la nourriture et la boisson, le toit, le mariage. De même, au moment de manger, de boire ou d’avoir des rapports intimes, il ne pensera pas uniquement à la jouissance qu’il va en tirer au point de n’admettre en fait de nourriture ou de boisson que ce qui flatte le palais et de ne rechercher dans l’union conjugale que le plaisir, mais il se dira qu’il mange pour entretenir seulement la santé de son corps et de ses organes. Voilà pourquoi, il ne se fourrera pas dans la bouche tout ce que lui dicte son appétit, à l’instar du chien ou de l’âne. Il ne consommera que des aliments salutaires au corps sans s’inquiéter de leur saveur amère ou douce, et s’abstiendra, au contraire, des produits qui sont nuisibles au corps en dépit de leur goût agréable.

Celui qui n’assigne à sa conduite que le seul objectif curatif, qui ne pense qu’à s’assurer une parfaite santé physique ou à avoir des enfants qui exercent son métier et subviennent à ses besoins, celui-là n’agit pas bien.

Pour être sur la bonne voie, il devra avoir conscience qu’il faut que son corps soit intact et fort, pour que son âme puisse accéder à la connaissance de D.ieu. En effet, il est impossible que l’homme comprenne ce qui lui est enseigné, ou réfléchisse personnellement sur les problèmes lorsqu’il a faim, lorsqu’il est malade ou lorsque l’un de ses organes le fait souffrir.

De même, il voudra avoir un fils dans l’espoir que ce dernier deviendra un savant ou un Israélite éminent.

L’homme qui suivra un tel chemin toute sa vie, servira en fait le Seigneur constamment, même au moment de l’union conjugale, puisqu’il ne fera rien qu’avec la pensée de subvenir à ses besoins de manière à ce que son corps soit parfaitement apte à servir le Créateur.

On pourra en dire autant même de son sommeil : S’il s’y abandonne avec l’intention d’assurer grâce à lui, du repos à son esprit et à son corps et d’éviter, en tombant malade, d’être incapable de servir D.ieu, un tel sommeil peut être considéré comme un véritable service de Dieu.

Voilà le sens de la prescription des Sages : « Que toutes tes actions soient entreprises au nom de D.ieu », et c’est là aussi, ce qu’entend Salomon lorsqu’il dit en son style figuré :

«Connais D.ieu en toutes tes voies et Lui, il aplanira tes sentiers». (Proverbes 3, 6)

MAÏMONIDE, Le livre de la Connaissance

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