Et l’Eternel parla à Moïse en disant: « Prends le bâton et assemble la communauté, toi ainsi qu’Aharon ton frère, et parlez au rocher en leur présence, et il donnera ses eaux. Tu feras couler, pour eux, de l’eau de ce rocher, et tu désaltéreras la communauté et son bétail. »
Moïse prit le bâton de devant l’Eternel comme Il le lui avait ordonné. » Puis Moïse et et Aharon rassemblèrent l’assemblée devant le rocher, et il leur dit: Or. ô rebelles ! Est-ce que de ce rocher nous pourrions faire sortir de l’eau pour vous? » » Et Moïse leva la main, et il frappa le rocher de son bâton par deux fois. Il en sortit de l’eau en abondance, et la communauté et ses bêtes en burent.
Mais l’Eternel dit à Moïse et à Aharon: « Puisque vous n’avez pas eu confiance en Moi pour Me sanctifier aux yeux des enfants d’Israël, aussi ne conduirez-vous pas ce peuple dans le pays que Je leur ai donné. » Ce sont là les eaux de Meriva, parce que les enfants d’Israël contestèrent D.ieu, qui fit éclater Sa sainteté par elles.
Nos Sages nous enseignent que si Moïse notre maître était entré en terre d’Israël, le Temple qu’il aurait construit aurait été éternel. Personne n’aurait pu le détruire. Le ‘Hatam Sofer étabit un lien entre la faute des eaux de meriva(contestation) et la destruction du Temple.
D.ieu avait dit à Moïse : « Vous parlerez au rocher devant leurs yeux. Cependant, au lieu de lui parler, Moïse l’a frappé : « Il frappa le rocher de son bâton à deux reprises ». Par cela, Moïse a manqué l’occasion de mettre en évidence le pouvoir de la parole.
Le peuple pouvait en déduire que seul l’acte est effectif, la parole n’ayant pas suffisamment de puissance. Or, c’est justement à cause de cette optique erronée que l’homme se permet de fauter par la parole, de dire du lachone hara (médisance), par exemple. Jamais il n’oserait frapper son prochain, agir contre lui. Mais il lui semble que quelques paroles de médisance ne lui feront certainement aucun mal. Après tout, ce ne sont que des mots, pense-t-il.
Quelle terrible erreur ! En frappant le rocher au lieu de lui parler, Moïse a manqué l’opportunité de donner une leçon essentielle au peuple d’Israël pour toutes les générations : celle du pouvoir de la parole. Quelle en fut la conséquence ? La destruction du Temple causée, comme on le sait, par la faute de la haine gratuite et de la médisance.
Le pouvoir de la parole est également abordé dans la suite de notre section. Moïse a envoyé des messagers demander au roi d’Edom la permission de traverser son pays. En lui faisant le récit de leurs souffrances en Egypte, les messagers devaient dire au roi : « Nous avons imploré l’Eternel et Il a entendu notre voix » (20, 16). Rachi précise sur ce verset : « Notre père a donné à Ya’akov la bénédiction « la voix, c’est la voix de Ya’akov » (Genèse 27, 22). Cela veut dire que si nous prions, nous serons exaucés ». En adressant ce message au roi d’Edom, Moïse voulait lui faire entendre que notre force réside dans la voix, dans la prière.
Le roi le comprit si bien qu’il leur répondit : « Tu ne passeras pas par chez moi sinon je sortirai à ta rencontre avec l’épée » (20, 18). Rachi ainsi explique les propos du roi : « Vous vous vantez [du pouvoir] de la voix que votre père vous a légué en disant : « Nous avons crié vers D.ieu et Il a entendu notre voix », eh bien, moi Je sortirai contre vous avec ce que mon père m’a légué « Tu vivras de ton épée » ! (Genèse 27, 40) ».
La réponse du roi d’Edom suscite une question : S’il connaissait si bien le pouvoir des bénédictions de leur ancêtre commun, Isaac, ne savait-il pas que « lorsque la voix de Ya’akov retentit dans les synagogues et les maisons d’études, les mains de ‘Essav n’ont pas d’emprise » (Genèse Rabba 65, 16) ? Comment le roi d’Edom a-t-il eu l’audace de menacer les enfants d’Israël de son épée?
Nous remarquons que, dans notre passage, le mot kolénou notre voix, est ‘manquant’ : il est écrit sans la lettre vav. Cela veut peut-être insinuer que s’il manque quelque chose à notre prière, les mains de ‘Essav peuvent avoir un pouvoir sur nous. C’est parce que nous ne sommes pas conscients du pouvoir de notre « voix », de notre prière que nous sommes distraits, et que nous n’y mettons pas la ferveur requise. Lorsque notre prière perd de son pouvoir, nous courons le risque de tomber sous la menace des mains d’Edom.
Rabbi ‘Hayim de Volozhyn dans son livre »L’âme de la vie » explique qu’en fait le monde est subdivisé en trois׃ le monde de l’action, le monde de la parole, et le monde de la pensée. La mitsva par excellence sera celle qui concernera les trois mondes.
Selon le Zohar, le Chabbat sera un chabbat idéal si les actes, les paroles et les pensées de ce jour saint seront sous notre contrôle absolu. Pour ce faire, des efforts constants et ardus sont nécessaires pendant de nombreuses années.
L’action bonne ou mauvaise est réelle, palpable, matérielle. Elle met en jeu tous les sens (ouie, odorat, toucher…) Elle correspond au monde le plus inférieur.
La parole a un impact sur des mondes supérieurs et la pensée sur des mondes encore plus supérieurs.
La mauvaise parole ou médisance a le pouvoir de détruire des mondes supérieurs outre les nombreux dégâts matériels qu’elle peut provoquer.
La bonne parole au contraire, comme l’étude de la Torah ou la prière a le pouvoir de construire des mondes supérieurs.
Selon le Zohar, la prière a un effet cosmique, car chaque mot de l’alphabet hébraïque est composé de lettres qui elles mêmes sont des compositions de lettres.
Pour exemple la lettre lamed est composée elle-même de trois lettres qui sont lamed, mem et dalet. A leur tour chacune de ces lettres peut être décomposée et ceci a l’infini.
Chaque mot de Torah ou de prière aura donc des répercussions favorables à l’infini.
Soyons conscients de la puissance cosmique de notre « voix » : Elle peut amener la plus grande destruction mais aussi la plus grande délivrance.
(adapté à partir de Imré Cohen)