Le Choul’han ‘Aroukh nous enseigne que le Chabbat qui précède Pessa’h s’appelle Chabbat Hagadol au nom des miracles qui y ont eu lieu lors de la sortie d’Egypte.
On peut remarquer que le Chabbat avant Kippour s’appelle Chabbat Techouva, comme si ce Chabbat est fondamental à la préparation de ce jour redoutable. Ainsi Chabbat Hagadol s’appelle Gadol (grand) pour les miracles qui ont eu lieu en ce jour, mais là aussi il semble crucial de comprendre en quoi ce Chabbat est si important à la préparation de Pessa’h.
Cependant, il y a lieu de souligner une différence entre Chabbat Techouva et Chabbat Hagadol, Chabbat Techouva n’est lié à aucun évènement historique particulier, Chabbat Hagadol quant à lui oui. Il est donc évident de se demander pourquoi la Torah s’est attaché au Chabbat plus qu’à la date de ces miracles. En général la Torah fixe les fêtes du calendrier en fonction des dates où les faits historiques se sont déroulés, à contrario pour Chabbat Hagadol, c’est le Chabbat qui est retenu et non pas la date où les faits se sont déroulés.
Le Pri Yts’hak dit au nom du Zohar que c’est grâce à la force de la sainteté (kédoucha) du Chabbat que nous pouvons donner de la kédoucha (sainteté) au fêtes (moadim). En réalité la différence entre le Chabbat et les moadim est fondamentale, la kédoucha du Chabbat vient directement de D.ieu comme il est dit wayékadech oto [D.ieu] sanctifia le Chabbat, les moadim quant a eux dépendent du calendrier et donc des sages comme il est dit acher tikréou otam (Que vous fixerez).
Le Tour fait également référence à cette notion en disant que le Chabbat est kodech (saint) alors que les moadim sont mikra kodech (appelé saint).
Les Richonim (premiers commentateurs) qualifient la fête de Pessa’h comme étant la fête de la émouna, de la foi; quelle corrélation y a-t-il entre Chabbat Hagadol et Pessa’h.
Le Chabat élément fondamental de la foi en D.ieu (émouna)
בֵּינִי וּבֵין בְּנֵי יִשְׂרָאֵל אוֹת הִוא לְעֹלָם כִּי שֵׁשֶׁת יָמִים עָשָׂה יְהוָה אֶת הַשָּׁמַיִם וְאֶת הָאָרֶץ וּבַיּוֹם הַשְּׁבִיעִי שָׁבַת וַיִּנָּפַשׁ:
« C’est un signe entre moi et les enfants d’Israël pour toujours car pendant six jours D.ieu a travaillé et le septième jour Il se reposa et instaura le Chabbat ».
Rabbi Abraham Ibn Ezra explique à propos de ce verset que celui qui accomplit un travail interdit le Chabbat pendant Chabbat nie la création du monde tel que la Torah nous la décrit.
De même Na’hmanide nous enseigne que respecter les lois du Chabbat est une condition siné qua non à l’accomplissement de l’injonction divine de croire que D.ieu est Un et que Lui a seul a créé le monde.
Dans les dix commandements il est écrit que le Chabbat est en souvenir de la sortie d’Egypte, cependant il n’est pas évident de faire le lien?
Le Malbim enseigne que le fait que D.ieu ait arrêté la création le Chabbat est la preuve même de Son existence. En effet, si le monde avait été créé par une succession coïncidente de réactions pourquoi a-t-il subitement arrêté de se développer, pourquoi n’y a-t-il pas la création de nouvelles espèces chaque jour?
Observer le Chabbat c’est prendre conscience que le monde a été créé en six jours et que le septième jour le développement cessa. Le Malbim explique que c’est précisément pour cela, que D.ieu créa le Chabbat. Il est donc évident que le Chabbat est la base et le fondement de la foi du juif.
Le Chabbat : source spirituelle
Le Chabbat, l’interdiction de faire des travaux incombe aussi bien aux hommes qu’aux animaux. Quel est le sens profond de cette interdiction?
Le Maharal enseigne que l’interdiction de faire des travaux le Chabbat nous ramène précisément à la liberté du peuple juif. Respecter les lois du Chabbat c’est se détacher de tout travail (vois tous tes travaux comme si ils étaient acheves ראה כל מלאכתך עשויות)) et pouvoir s’attacher à un travail spirituel, et c’est exactement le processus qui a eu lieu lors de la sortie d’Egypte, sortir d’un esclavage physique, pour entrer sous le joug spirituel des injonctions divines.
Ainsi le Rav Dessler explique la notion de repos du Chabbat, la création pour D.ieu n’était évidemment pas un effort physique. La Torah le confirme et enseigne que le monde a été créé par la parole comme il est dit כִּי הוּא אָמַר וַיֶּהִי. La notion de repos à propos de D.ieu est donc un peu ambiguë.
Le Rav dessler enseigne que le repos de D.ieu est en réalité un repos de toute matérialité afin de s’inscrire totalement dans l’ordre de la spiritualité, bagage indispensable tout au long de la semaine, qui elle aussi est complice à l’aboutissement de ce monde qui passe essentiellement à travers le rapprochement du ciel et de la terre. Nous voyons cette notion à travers le mot béréchit qui possède les eretz wéchamaym mêmes lettres que les mots brit ech qui fait référence au ciel et la terre.
Nos sages dans la téfilah de Chabbat qualifient le Chabbat comme but de la création תכלית שמים וארץ, et c’est justement à cet enseignement semble-t-il qu’ils font référence.
Pessa’h est la fête de la liberté hérout comme nos sages l’ont qualifié zman hérouténou זמן חרותנו, le mot hérout signifie liberté. Il peut signifier également gravé, inscrit comme nous le voyons à propos des dix paroles ‘harout al halou’hot חרות על הלוחות gravés sur les Tables de la loi.
En réalité Chabbat et Pessa’h sont chargés du même sens, être libres de toute contrainte matérielle, se détacher de toute matérialité afin d’être totalement libres pour pouvoir s’inscrire et graver en nous toutes nos « contraintes » spirituelle qui sont en réalité, pures sources de joie et de bonheur comme le Roi David nous l’a enseigné dans Les Psaumes כי לי קרבת אלוהים לי טוב (car la proximité avec D.ieu est bonne pour moi).
Chabat Hagadol étant le dernier Chabbat de l’année, remplie de foi emouna et de confiance envers le maître de l’univers. C’est à ce moment précis qu’il nous est possible de nous rendre comptes des miracles extraordinaires que nous avons vécu et que nous vivons au quotidien, afin de pouvoir admettre aisément le détachement de toute matérialité et ainsi s’agripper a D.ieu notre père.
Ainsi vous l’aurez compris comme Chabbat Techouva Chabat Hagadol est fondamental à la fête de Pessa’h et c’est particulièrement le jour de Chabbat que ce travail de reconnaissance commence.