Archives de catégorie : Littérature rabbinique

Traduction d’ouvrages remarquables du judaisme

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Lachon Hara – Cours 7

Le livre de la vie

Partie I – Les lois de la médisance

Chapitre 7 – L’interdit de croire le Lachon Hara : cas de figure

  1. Interdiction de croire du Lachon Hara émis en présence de nombreuses personnes

Il est interdit de prêter foi à des propos médisants quel que soit le nombre d’auditeurs présents. Que le Lachon Hara soit proféré devant une ou plusieurs personnes, il est interdit de le tenir pour vrai et d’agir en conséquence de cause. Comme dit, il nous est seulement permis de nous mettre sur nos gardes au cas où il y a lieu de craindre qu’un dommage puisse être causé.

  1. Lachon Hara émis en présence de la victime

Croire à des paroles dénigrantes est interdit même si celles-ci ont été émises en présence de la victime. Il en est de même lorsque la personne incriminée se tait et ne nie pas les faits qui lui sont reprochés bien qu’en général, elle s’empresse de protester pour défendre sa réputation.

  1. Lachon Hara émis par deux personnes ou plus

Même si les faits sont rapportés par deux personnes ou plus, il est interdit d’y prêter foi et de les tenir pour vrais. Il est seulement permis d’adopter une certaine méfiance à l’égard de la personne visée, comme c’est le cas avec du Lachon Hara émis par une seule personne.

  1. Bruits et rumeurs

De même, il est interdit de croire à ce que les rumeurs colportent, quelle que soit la nature du méfait prétendument commis.

Il est interdit de propager ces bruits, à plus forte raison lorsque les dommages causés risquent d’être accrus, comme dit au chapitre 2.

  1. Médire d’un mécréant

Il est interdit de croire à la rumeur qui accuse un juif qui n’est pas connu pour transgresser régulièrement les commandements de la Torah. Mais si ces bruits incriminent un mécréant [Racha], en l’occurrence une personne qui enfreint régulièrement et sciemment les commandements dont la gravité est connue de tous, il est permis d’y prêter foi.

  1. Lorsque l’auteur s’inclut dans ses propos médisants

Lorsque le locuteur livre une information médisante le concernant ainsi qu’une autre personne, il sera permis de croire uniquement les faits qui le touchent.

  1. Lachon Hara émis par une personne digne de confiance

L’interdiction de tenir des propos diffamatoires pour vrais s’applique également dans le cas où le locuteur jouit de notre confiance ou est réputé comme une personne digne de foi. Plus encore, il est interdit de le rapporter plus loin s’il y a lieu de juger favorablement la victime de la médisance.

Notons que de nos jours, une telle personne, dont le témoignage équivaut à celui de deux témoins et à qui l’on peut prêter foi n’existe pas. (Béer Mayim ‘Haïm)

  1. Lachon Hara émis sur une personne qui enfreint un interdit connu de tous

Si la victime est accusée d’avoir enfreint un interdit de la Torah connu de tous et qu’on ne peut lui accorder le bénéfice du doute, il est permis de tenir le témoignage d’une personne digne de confiance pour vrai, à condition de respecter ces deux impératifs :

  1. Que le rapporteur ait été un témoin direct de la transgression, fût-il une personne digne de confiance ou non.
  2. Si le rapporteur a lui-même assisté aux faits incriminés, on peut y croire tant que la personne dénigrée ne s’est pas repentie. Cependant, il est absolument défendu de les répéter plus loin et encore moins de lui porter préjudice.

 

  1. Lachon Hara émis sans intention de nuire

Si le témoin direct d’une transgression le rapporte sans mauvaise intention et qu’il n’y a pas lieu d’accorder le bénéfice du doute au fauteur, on pourra prêter foi à ces propos tant que la personne incriminée ne s’est pas repentie. Cependant, cette indulgence est difficilement applicable puisque toutes ces conditions sont rarement réunies, ce qui explique pourquoi le ‘Hafets ‘Haïm lui-même nous recommande de ne pas en tenir compte. (Béer Mayim ‘Haïm)

  1. Lorsqu’il y a lieu de croire que les faits incriminés sont véridiques

Il est interdit d’attacher foi à un récit diffamatoire, même si les faits incriminés semblent avérés et correspondent au caractère de la personne mise en cause aussi longtemps que l’information n’a pas été absolument prouvée et que la Torah nous interdit de tenir ces informations pour vraies.

  1. Elucider la question

Dans ce cas, il est indispensable de vérifier que la victime de la médisance est réellement concernée par les faits qui lui sont reprochés et qu’il n’y a pas méprise. L’auditeur pourra se fier aux informations véhiculées si, connaissant la personne mise en cause, il reconnaît lui-même que les faits incriminés sont avérés.

  1. Limites

Cette autorisation ne concerne que le fait de prêter foi à la médisance, mais en aucun cas de la répéter plus loin ou de porter atteinte à la personne visée.

  1. Prérogatives du Beth Din

Le Beth Din est autorisé, dans certains cas, à se fonder sur des faits qui prouvent l’implication du sujet et la véracité de l’accusation qui lui est portée, à condition que ces informations aient été déposées par des témoins. Mais si celles-ci ont été livrées par la partie adverse, il est interdit aux juges de s’y fier. En outre, ils ne pourront y prêter foi que pour pousser le suspect à reconnaître ses torts.

  1. Se fier aux déclarations du plaignant

Il est strictement interdit au Beth Din ou à toute autre instance de se baser sur les déclarations du plaignant pour menacer ou punir la personne qu’il accuse. Hélas, cette interdiction est souvent enfreinte faute de connaissances étendues en la matière.

 

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Lachon Ara – Cours 6

 Le livre de la vie

Partie I – Les lois de la médisance

Chapitre 6 : Entendre et prêter foi à des propos médisants

  1. Interdiction d’y croire

Croire des propos médisants proférés sur son prochain est un interdit de la Torah. Par conséquent, il est défendu de tenir du Lachon Hara pour vrai. Nos Sages ont particulièrement insisté sur cet interdit au point de déclarer qu’une personne qui prête foi à des mauvaises paroles mérite d’être jetée aux chiens.

  1. Interdiction d’entendre des propos médisants

La Torah interdit également l’audition du Lachon Hara, même à celui qui n’a pas l’intention d’y croire.

Cependant, si les faits rapportés n’ont aucune incidence sur l’avenir, ou si les propos diffamatoires présentent quelque utilité pour l’auditeur (s’il souhaite par exemple se prémunir contre un préjudice dans l’optique d’une association commerciale ou d’un mariage etc.), il est permis d’écouter.

Attention, même dans ce cas, il est absolument interdit de tenir ces informations dénigrantes pour vraies !

  1. Comment éviter d’entendre du Lachon Hara?

Si notre interlocuteur s’apprête à médire d’une certaine personne, il faudra s’empresser de lui demander si le sujet de la conversation nous concerne réellement, ou si nous pouvons avoir quelque influence sur la personne visée.

Encore une fois, il est interdit de croire les propos médisants de manière absolue, mais on pourra seulement prendre ses dispositions pour éviter quelque préjudice.

  1. Cas particulier

Dans certains cas, il est même recommandé d’écouter le Lachon Hara afin de disculper la victime auprès de celui qui la dénigre et interpréter les propos diffamatoires qu’il profère à son mérite. Par exemple, si l’on souhaite apaiser notre interlocuteur et l’empêcher de propager sa médisance plus loin.

  1. Entendre du Lachon Hara lors d’une réunion

Si l’on participe à une réunion au cours de laquelle des propos médisants sont émis (ce qui ne pouvait pas être prémédité) et qu’il nous semble vain de réprimander les personnes présentes à ce sujet, il faudra, si possible, quitter les lieux ou, à tout le moins, boucher ses oreilles pour ne pas entendre.

Néanmoins, si ces deux options sont irréalisables (par exemple, si l’on risque de se faire vertement tancé), alors il faudra respecter ces trois conditions :

  1. Décider fermement de ne pas croire les propos diffamatoires.
  2. S’efforcer de ressentir une gêne par rapport à ce qui se dit, et en aucun cas en retirer du plaisir ou quelque profit.
  3. Rester impassible et ne manifester aucun signe d’acquiescement. Au contraire, il convient plutôt d’exprimer son désaccord de quelque manière que ce soit.

 

  1. Réunion peu fréquentable

Ce que nous venons d’expliquer ne s’applique que dans les cas où l’on ne peut éviter ce genre de situations. Mais si la conversation à peine entamée glisse vers des sujets interdits et qu’il est possible de quitter les lieux, il ne faudra pas rester un instant de plus auprès de ces gens. Aussi, si ces personnes sont connues pour tenir des propos médisants et qu’on se joint malgré tout à ce groupe, on transgresse l’interdit d’entendre du Lachon Hara, même si les trois conditions citées au paragraphe précédent sont réunies.

Pire encore, quiconque retrouve ces « Baalé Lachon Hara » pour écouter ce qui se dit est considéré par le Ciel comme un mécréant et un homme de la même espèce, dont la faute est immense.

  1. Tenir les propos médisants pour vrais

Celui qui accepte l’interprétation défavorable du médisant sur certains faits qu’il sait véridiques mais qui peuvent être jugés positivement, enfreint le commandement de « Tu jugeras ton prochain avec équité » et se rend coupable de prêter foi à du Lachon Hara.

  1. Accepter du Lachon Hara sur une personne craignant D.ieu

Si la victime du Lachon Hara est un homme craignant D.ieu et qu’en écoutant les propos médisants à son sujet, on lui refuse le bénéfice du doute, la faute est plus grave encore, puisque la Torah nous demande explicitement de juger favorablement les personnes pratiquantes.

Ce principe s’applique également à toute critique qui dénoncerait les décisions d’un Beth Din ou d’un maître de la Torah. Il est absolument interdit d’y prêter foi et il faudra tâcher d’expliquer au médisant le bienfondé du jugement tranché par le tribunal rabbinique ou l’autorité religieuse incriminée.

  1. Principe général

Tout propos qu’il est interdit d’émettre, on ne pourra l’écouter ni y prêter foi. Le mode de transmission (oral, écrit, par allusion) ne retire rien de la gravité du Lachon Hara.

  1. Prendre ses précautions

Bien qu’il soit interdit de tenir des propos médisants pour vrais, nos Sages nous ont néanmoins autorisés à prendre nos précautions et à adopter une certaine méfiance vis-à-vis de la personne dénigrée afin d’éviter une perte ou tout préjudice.

Cependant, aussi longtemps que la culpabilité du prochain n’a pas été dûment prouvée, nous sommes tenus de lui rendre tous les bienfaits que nous devons à nos semblables. Par conséquent, même dans le cas où on nous révèle qu’une personne est mécréante [racha], nous y sommes tenus.

  1. Prendre ses précautions, un point c’est tout !

Prendre ses précautions, cela ne veut absolument pas dire que l’estime que l’on porte à la victime de la médisance puisse être atteinte ; à plus forte raison nous est-il interdit de l’embarrasser ou de lui porter préjudice. Plus encore, il est absolument défendu de refuser de payer les dettes que l’on aurait envers cette personne, en tirant prétexte des propos diffamatoires qui l’accusent.

En conclusion :

Il est permis de prendre ses dispositions au cas où la personne visée risque de nous causer quelque dommage, cependant, cela ne nous dispense en rien des obligations que l’on a envers elle, comme envers tout autre juif, tant que les faits qui lui sont reprochés ne sont pas absolument avérés.

  1. Comment se repentir d’avoir accepté du Lachon Hara?

Aussi longtemps que les propos médisants entendus n’ont pas été répétés plus loin, il faudra :

  1. Etre résolu de ne pas croire ce que l’on a entendu.
  2. Prendre sur soi de ne plus jamais écouter ni accepter de Lachon Hara.
  3. Demander à D.ieu de nous pardonner.

Cependant, si l’on a répété le Lachon Hara, on devra s’efforcer de convaincre tous nos auditeurs de l’inanité de l’information qu’on leur a révélée et obtenir le pardon de la victime, avant d’entamer les trois étapes citées plus haut.

 

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Lachon Ara – Cours 5

Le livre de la vie

Partie I – Les lois de la médisance

Chapitre 5 – Médire d’un homme qui a péché envers son prochain

  1. Faire part d’une infraction dans les devoirs de l’homme envers son prochain

Il est interdit de mentionner une faute commise par un homme envers son prochain, quand bien même les faits sont avérés être véridiques (comme par exemple dans le cas où on l’a vu refuser un service à autrui etc.). Le rapporter serait enfreindre l’interdit de médisance.

Ceci, même si nous sommes nous-mêmes victimes d’une telle négligence : il nous est interdit de le divulguer et encore moins de le faire par esprit de vengeance.

  1. Les défauts

Il est interdit de médire des défauts du prochain et de dire par exemple qu’il manque d’intelligence. En outre, si, à ces propos diffamatoire, se mêlent quelque déclaration mensongère, la faute est plus sérieuse encore et correspond à du « Motsi Chem Ra » [calomnie].

Qualifier quelqu’un de peu intelligent est autrement plus grave, puisque cela risque de lui porter préjudice allant même jusqu’à la perte de son emploi ou de sa respectabilité.

  1. La gravité de ce genre de déclarations

Qualifier quelqu’un de sot est fréquent dans les conversations, ce qui est bien regrettable. En effet, les gens pensent à tort qu’une telle déclaration ne relève pas de l’interdit de médisance. En vérité, une telle remarque est gravissime puisqu’elle révèle les intentions malveillantes de son auteur.

Cependant, il est permis – voire même recommandé – d’invoquer le manque d’intelligence afin d’apaiser les esprits en cas de discorde ou de désaccord. En effet, la paix peut être retrouvée si l’on explique à l’une des parties que l’autre lui a causé du tort parce qu’elle manque de finesse ou qu’elle n’est pas capable de comprendre l’ampleur des dommages qu’elle a engendrés.

  1. Dénigrer un maître de la Torah

Il va sans dire qu’il est absolument interdit de rabaisser un maître de la Torah ou une personne connue pour son érudition en déclarant que son intelligence ou son niveau de connaissances ne justifient pas sa renommée.

  1. Faire part de la faiblesse physique ou de la pauvreté de son prochain

Révéler la faiblesse physique de son prochain au risque de lui causer du tort constitue bien du Lachon Hara.

De même, dire d’une personne qu’elle est pauvre ou qu’elle n’est pas aussi aisée qu’on le prétend est également interdit.

  1. Selon le contexte

Une même phrase peut constituer du Lachon Hara au sujet d’une personne et son contraire pour une autre. Par exemple, dire d’un individu qu’il s’adonne à l’étude de la Torah trois ou quatre heures par jour : s’il s’agit d’une personne qui travaille, cette déclaration est élogieuse. Mais s’il est question d’un homme qui consacre ses journées à l’étude, ce n’est guère valorisant.

Remarque importante :

Comment savoir si une déclaration est médisante ou non ? Il convient de se demander si elle risque de porter préjudice à la personne visée (financier, moral, socio-économique etc.).

  1. Dénigrer les biens du prochain

Il est interdit de dire du mal des biens du prochain, puisque cela peut lui causer du tort, comme dans le cas – fréquent, hélas – des commerçants, au sujet de leur marchandise.

  1. Lachon Hara formulé par deux personnes ou plus

Lorsque le Lachon Hara est formulé par deux personnes ou plus, la faute est plus grave encore, étant donné qu’une information rapportée par plusieurs individus semble plus véridique.

 

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Lachon Hara – cours 4

 

Chapitre 4

Médire d’un homme qui a péché envers D.ieu

 

  1. Evoquer les méfaits d’une personne

Il est interdit de dénigrer son prochain en rapportant les fautes qu’il a commises envers D.ieu tout comme son inconduite dans la vie de tous les jours, même si ces faits sont avérés. Il est interdit d’en faire part à un tiers. Nous expliquerons plus loin les cas d’exception (paragraphe 7).

  1. Quel que soit la gravité de la faute

Que les fautes incriminées concernent un commandement positif ou toute forme d’interdit, des mitsvot rapportées par la Torah elle-même ou des décrets d’ordre rabbinique, voire même une loi que la plupart des juifs transgressent.

  1. Le pratiquant moyen

Comme dit, le pratiquant moyen prend soin de ne pas enfreindre les commandements mais il vient parfois à fauter comme la plupart des juifs. Si nous voyons une telle personne transgresser, nous devons la juger favorablement aussi longtemps qu’il est possible de lui accorder le bénéfice du doute.

  1. Lorsque l’interdiction est connue de tous

Celui qui voit un pratiquant moyen commettre en cachette – et pour la première fois – un acte qu’il paraît impossible de juger favorablement, n’a pas le droit de le raconter. Ceci, même si l’interdit est notoire et que le transgresseur en connaît la gravité (comme manger du porc, par exemple…). Il est interdit de dévoiler sa faute même aux autorités rabbiniques car on suppose qu’entre temps, cette personne s’est repentie.

Dans un tel cas, il convient plutôt de lui parler en privé et de l’encourager délicatement au respect des commandements. Il est absolument défendu de l’humilier ou de lui faire honte en public.

Mais s’il s’agit d’un érudit en Torah qui observe méticuleusement nos lois et qui aurait, dans un moment de faiblesse, enfreint l’une d’elles, il ne convient pas de lui en faire la remarque parce que l’on peut être sûr qu’il s’est déjà repenti.

 

  1. Le cas du mécréant

Certains individus n’acceptent pas les remontrances et les tournent généralement en dérision. Dans ce cas, si la faute sera vraisemblablement réitérée, il est préférable d’en référer à une autorité compétente (un rav et, si nécessaire, une personne apparentée) capable d’exercer son influence et d’intervenir auprès du transgresseur pour qu’il cesse son inconduite.

Ceci, seulement dans le cas où l’intention du narrateur est entièrement désintéressée. A défaut, celui-ci se rend coupable de Lachon Hara.

En outre, un tel rapport n’est permis que si deux personnes aptes à témoigner (ce qui exclut les femmes et les enfants) ont assisté à l’infraction. Sinon, ces révélations sont considérées comme du « Motsi Chem Ra ».

  1. En référer à son rav

Si le rav à qui l’on rapporte les méfaits du mécréant se fie à notre déposition comme au rapport de deux témoins, il est permis de le lui révéler.

Si l’on est persuadé que le mécréant acceptera les remontrances de cette autorité, on peut lui faire part de son méfait même si l’on sait que le rav risque de le dévoiler plus loin.

Rappelons qu’il est interdit de divulguer ces faits (si ce n’est aux rabbanim de la ville) si c’est la première fois que l’on voit cette personne fauter (sous le coup de la tentation, par exemple) puisqu’il se peut qu’elle regrettera d’elle-même sa mauvaise conduite.

  1. Médire d’une personne qui transgresse régulièrement un commandement connu de tous

Il est permis de médire et même d’humilier une personne qui abandonne complètement l’observance de la Torah ou qui transgresse régulièrement un commandement connu de tous.

Cependant, bien qu’il soit permis au narrateur d’en faire part, l’auditeur ne devra pas prêter foi à son récit mais seulement l’écouter afin de prendre ses dispositions, si nécessaire. Si l’auditeur connaît la personne incriminée comme étant un transgresseur volontaire – même si l’infraction répétée concerne un autre commandement – il pourra s’y fier.

Plus encore, même si l’infraction peut être interprétée à l’avantage ou au détriment de son auteur, il n’y a pas lieu de lui accorder le bénéfice du doute, jusqu’à ce qu’il se repente. Cependant, il ne faut pas s’empresser de porter un jugement défavorable, puisque nombre de conditions doivent être réunies avant de déclarer une personne coupable (voir chapitre 10).

 

  1. Médire d’une personne qui refuse de se plier à la décision du Beth Din (tribunal rabbinique)

Il est permis de rendre public le refus d’une personne d’obéir à une décision du Beth Din.

Cependant, si celle-ci invoque quelque raison pour expliquer son rejet, les juges ne seront autorisés à le diffuser qu’après l’examen minutieux de ses objections. Si la mauvaise foi de l’intéressé est avérée, il leur sera permis de le dénigrer.

  1. Les défauts de caractère

Faire état des défauts de caractère de son prochain est interdit, même si le portrait qui en est fait est exact et notoire. Il se peut que la personne visée se soit corrigée, ou qu’elle n’ait pas conscience de la gravité de ses tares.

  1. Mentionner les défauts du prochain pour éviter les risques d’imitation

Cependant, il est permis d’en faire part si l’on craint, à juste titre, que nos enfants ou nos élèves ne prennent cette mauvaise conduite en exemple ou recherchent la compagnie de cet individu.

On devra néanmoins expliquer les motivations qui nous poussent, dans ce cas particulier, à médire.

  1. Prendre des renseignements en vue d’une association ou d’un mariage

Il est permis (voire même recommandé) de recueillir des informations sur une personne dans la perspective d’une association ou d’un mariage. Le but poursuivi étant de prévenir les deux parties d’éventuels préjudices ou désaccords, l’intention de l’enquêteur est recevable et sa démarche permise, quand bien même certaines révélations risquent de faire échouer le projet commun. Mais ceci, aux conditions suivantes :

  1. Concernant l’enquêteur
    • L’enquêteur est tenu d’expliquer les raisons de ses questions, pour ne pas transgresser l’interdit de « Tu ne placeras pas d’obstacle devant un aveugle» c’est-à-dire, éviter que l’interlocuteur ne se rende coupable de Lachon Hara.
    • Il nous est interdit de prêter une foi absolue aux informations négatives recueillies ; il nous est seulement permis de prendre nos dispositions au cas où elles seraient véridiques.
    • Il est interdit de prendre des renseignements auprès d’un ennemi ou d’un concurrent.
  2. Concernant la personne interrogée

La personne interrogée doit s’en tenir à la stricte vérité et ne pas grossir les faits.

  1. Comment se repentir de la médisance ?
  2. Si l’auditeur n’a pas cru les propos médisants qui lui ont été rapportés et que son estime pour la personne incriminée n’a pas été affectée, l’infraction porte uniquement sur la relation du médisant à D.ieu.

Dans ce cas, celui-ci devra regretter sa faute et être fermement résolu à ne pas récidiver.

  1. En revanche, si l’interlocuteur a prêté foi à ses propos et a mal jugé la personne visée, l’infraction porte sur la relation du médisant avec le prochain. Il devra, par conséquent, présenter ses excuses à sa victime, même si celle-ci ignore le mal qui lui a été fait. Le repentir évoqué au paragraphe précédent ne suffit. En effet, même le jour de Kippour ne peut expier ce genre de fautes à moins d’avoir obtenu le pardon de la personne incriminée.

 

En conclusion :

Il n’est pas nécessaire de décrire la difficulté de présenter ses excuses à la personne que l’on a dénigrée, surtout lorsqu’elle ne se doute pas des torts qui lui ont été causés. Plus encore pour le « Baal Lachon Hara » qui aura les plus grandes peines à retrouver les nombreuses victimes de sa mauvaise langue…

 

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Lachon Ara – Cours 3 – Le livre de la Vie I, 3

 Partie I – Les lois de la médisance

Chapitre 3 – L’interdiction de médire en présence ou en l’absence de la victime, par plaisanterie et sans mention de noms

  1. Médire en présence de la personne concernée

Nous l’avons vu, il est interdit de rapporter une information malveillante, qu’elle soit vraie ou inventée.

De même, il est interdit de médire de son prochain en son absence tout autant qu’en sa présence.

Cependant, celui qui médit en l’absence de sa victime, est maudit par la Torah.

Cela ne retire rien de la gravité de la médisance émise en présence de la personne visée puisque cette mauvaise conduite habitue son auteur à l’effronterie et la raillerie.

  1. Autorisation particulière

Nos Sages ont toutefois autorisé certaines déclarations que le locuteur aurait émises même en présence de sa victime lorsqu’elles sont ambigües et peuvent être interprétées en bien ou en mal (Avak Lachon Hara). Il va sans dire que si ces propos sont accompagnés de gestes ou d’allusions qui laissent entendre les mauvaises intentions de l’auteur, il n’est plus question d’Avak Lachon Hara mais bien de médisance à proprement parler.

  1. Lachon Hara par plaisanterie et sans mauvaise intention

La Torah interdit la médisance même lorsque celle-ci est formulée sans haine ni mauvaise intention. Toute déclaration déplaisante est strictement prohibée, même pour plaisanter.

  1. Lachon Hara sans mention de noms

Il est interdit de médire même si l’on tait les noms des personnes concernées lorsque l’auditeur peut en deviner l’identité.

En outre, même si les propos n’ont rien de dénigrant, mais qu’ils risquent de causer du tort à la victime et que l’intention de l’auteur est malveillante, on les considère comme du Lachon Hara.

  1. Propos « innocents »

Proférer des paroles anodines ou prétendument anodines dans l’intention de nuire revient à dire du Lachon Hara.

  1. Histoire sans conséquences

Une déclaration diffamatoire demeure défendue même lorsqu’elle n’est suivie d’aucun préjudice pour la victime.

Ce principe s’applique également dans le cas où le locuteur sait qu’aucun dommage ne résultera de ses paroles. La Torah interdit la médisance qu’elle soit nuisible ou inoffensive !

  1. Accorder le bénéfice du doute

Il nous incombe d’accorder le bénéfice du doute à autrui – dans la mesure du possible – et ce, suivant les cas que voici :

  • Envers une personne craignant D.ieu :

Le bénéfice du doute doit toujours être accordé à une personne craignant D.ieu même dans les cas où il est difficile de la juger favorablement. Par conséquent, quiconque rapporte les faits qui lui sont incriminés de manière péjorative enfreint l’interdit de médisance.

 

  • Envers un pratiquant moyen :

Le pratiquant moyen veille en général à ne pas transgresser, mais il lui arrive, tantôt, d’enfreindre certains interdits. Dans ce cas, il faut considérer ces trois situations :

 

  1. Lorsque l’acte incriminé tend davantage à être jugé favorablement, il nous est interdit de considérer la personne comme coupable et de diffuser une information dans ce sens.

 

  1. Lorsqu’il est possible de juger favorablement la personne tout autant que défavorablement, nous devons la considérer innocente.

 

  1. Lorsque le jugement défavorable semble l’emporter, il convient malgré tout de lui accorder le bénéfice du doute et d’invoquer des circonstances atténuantes.

 

 

  1. Lorsqu’il est impossible de juger favorablement

Même s’il est impossible d’accorder au fauteur le bénéfice du doute, il ne faudra pas s’empresser de l’humilier, ce qui est interdit dans la majorité des cas. Nous expliquerons plus loin les situations où une telle attitude est autorisée (voir chapitres 4 et 5).

 

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Le Livre de la vie 1/10 – Comment soigner son parler ?

Partie I – Les lois de la médisance

 Chapitre 2 – Le Lachon Hara devant trois personnes

  1. Le nombre d’auditeurs

Il est interdit de médire, quelque soit le nombre d’auditeurs. Cependant, plus le public est nombreux, plus la faute est grave.

  1. Ce qu’il est permis de dire en présence de trois personnes

Certaines déclarations ambiguës sont toutefois autorisées en présence de trois auditeurs ou plus, si on peut les interpréter en bien ou en mal.

Néanmoins, cette autorisation s’applique aux déclarations les plus neutres. Il va de soi que si les gestes, le ton ou la manière dont le message est véhiculé trahissent les intentions malveillantes de l’auteur, celui-ci enfreint l’interdiction de « Avak Lachon Hara » (littéralement, poussière de médisance).

  1. Lachon Hara de notoriété publique

Si trois personnes ou plus ont entendu ensemble une déclaration diffamatoire et la répètent à d’autres, elles ne transgressent pas les lois du Lachon Hara, étant entendu que ce qui est connu de trois personnes finira par se savoir et que l’interdiction de médire ne s’applique pas à ce qui est notoire.

Cependant, il sera défendu de le répéter si cela risque d’accroître le préjudice qui est porté à la victime de la médisance.

Certains avis se montrent plus stricts à ce sujet et interdisent dans tous les cas de répéter ce qui aura été dit devant trois auditeurs.

  1. Porter préjudice

Si les propos malveillants sont émis dans le but d’aggraver le préjudice porté à la victime de la médisance, il y a infraction même si l’on omet de citer le nom de la personne qui a rapporté l’information.

  1. Témoin direct

Cette autorisation ne s’applique qu’à celui qui a entendu les propos médisants au moment où ils ont été émis en présence de trois personnes. Mais s’il l’apprend par un tiers qui lui donne l’assurance que le Lachon Hara a été proféré en présence de trois personnes ou plus, il lui est interdit de le répéter.

  1. Lorsqu’un des trois auditeurs ne répète pas le Lachon Hara

Si un des trois auditeurs est un homme craignant D.ieu qui veille à sa langue et ne répètera pas les propos malveillants, il sera interdit aux deux autres de les divulguer plus loin.

Ce principe s’applique également au cas où l’un des trois auditeurs est apparenté à la personne visée, puisqu’il y a lieu de croire qu’il ne le dévoilera à personne.

  1. Retransmission dans une autre ville

 En outre, cette permission concerne uniquement les cas où la médisance est répétée dans la ville où elle a été entendue et sera, par conséquent, ébruitée. De ce fait, il est interdit de la diffuser dans une grande agglomération.

Lorsque le locuteur ne veut pas que ses paroles soient répétées

 Si celui qui a émis du Lachon Hara devant trois personnes a exprimé le souhait que ses propos ne soient pas répétés, il est interdit à chacun des trois auditeurs de les dévoiler.

De plus, si l’un ou deux des auditeurs répétait malgré tout ces paroles malveillantes, il demeurerait interdit au troisième d’en faire autant.

La manière de le demander

Peu importe la manière dont l’auteur de la médisance exhorte ses trois auditeurs ou plus à la discrétion: cela reste interdit.

La faute est pire encore si ses propos sont répétés à la personne concernée.

En outre, cette autorisation ne s’applique que dans les cas où la médisance est émise devant trois personnes ou plus et non aux cas où deux médisants parleraient à deux auditeurs, par exemple.

  1. Retransmission fidèle

Cette permission n’est accordée qu’à condition de retransmettre l’information avec la plus grande fidélité, sans ajouter le moindre détail ni modifier le moindre fait.

Par exemple, il est interdit de révéler les fautes passées d’une personne qui, entre temps, s’est repentie, puisque cela risque de lui porter préjudice.

De même, une information médisante émise devant trois personnes ne peut être répétée à quiconque viendrait ajouter des commentaires ou des détails malveillants.

En conclusion :

Nous l’aurons compris, cette permission particulière de répéter une information compromettante émise devant trois personnes est soumise à de nombreuses conditions qui ne sont remplies que très rarement.

Précisons que cette opinion est réfutée par de nombreux décisionnaires. Mieux vaut donc ne jamais divulguer une information dénigrante, aussi notoire soit-elle !

  1. Réunions au sommet

Il est interdit aux personnes qui participent à une réunion, un comité de directeurs ou autre, de divulguer les opinions émises par chacun au détriment ou en faveur des personnes concernées. Cette interdiction subsiste même si les participants subissent des pressions, que les débats aient été tenus secrets ou non.

  1. Interdiction de dénigrer un orateur

Les gens se permettent souvent de faire des commentaires sur un cours ou une allocution. On entend fréquemment des remarques du genre : « Il ne comprend pas ce qu’il dit… » ou « il n’a pas préparé son discours… » etc. Ces observations sont absolument interdites puisque l’orateur risque de subir des humiliations ou perdre sa bonne renommée voire même son emploi.

  1. Information privée

Lorsqu’on nous fait part d’une information personnelle sur ses affaires ou autre domaine privé, il est interdit de la divulguer, même sans malveillance ni risque de préjudice.

Cependant, si la personne transmet l’information la concernant en présence de trois auditeurs sans les prier pour autant de la garder secrète, il leur est permis de la propager en respectant les conditions rapportées plus haut.

hafets hayim

Lachon Ara – Cours 2 – Le Livre de la vie (‘Hafets-‘Hayim), I, 1

Partie I – Les lois de la médisance

 Chapitre 1 – Généralités

  1.  Définition

Le « Lachon Hara » – la médisance – concerne tout propos malveillant susceptible de causer du tort à autrui, même s’il reflète la stricte vérité.

Cependant, si le rapport est mensonger – même partiellement – on parle de « Motsi Chem Ra » [calomnie] ce qui est plus grave encore puisque l’auteur salit la réputation de sa victime, à travers son mensonge.

  1. Trente et un commandements

Comme dit, l’émission d’une parole médisante peut mener à la violation de nombreux commandements de la Torah.

  1. Les habitués du Lachon Hara

Une personne qui émet couramment des propos médisants est qualifiée par nos Sages de « Baal Lachon Hara » (littéralement, celui dont la médisance est propriété). Cette faute est bien plus grave que le Lachon Hara proféré occasionnellement tout autant que la peine encourue.

  1. La gravité de l’interdit

Nos Sages enseignent que l’homme doit répondre de ses fautes dans ce bas-monde et qu’il perd sa part dans le suivant s’il commet l’un des trois péchés capitaux que sont l’idolâtrie, la débauche et le meurtre [s’il ne s’est pas repenti]. Or le « Baal Lachon Hara », sa faute est plus grave encore que ces trois crimes réunis.

  1. Lachon Hara sous la contrainte

Qu’importe si les propos médisants sont proférés volontairement ou sous l’insistance ou les menaces d’un père, d’un maître et de toute personne à qui l’on doit respect et crainte. En toute situation, il est strictement interdit de dire du Lachon Hara.

  1. Perte financière

La médisance est prohibée même si l’on doit subir un préjudice financier [comme la perte d’un travail] ; cette règle s’applique à tous les interdits de la Torah que l’on se gardera d’enfreindre même au risque de perdre tous ses biens.

  1. Se couvrir de ridicule

Il ne nous est pas seulement demandé de sacrifier toute notre fortune, mais également notre réputation. En effet, il est interdit de dire du Lachon Hara même si notre silence risque de nous mettre dans l’embarras et de nous faire passer pour des simples d’esprit ou des personnes asociales.

  1. Lachon Hara par allusion

Cet interdit ne s’applique pas uniquement à la parole mais également à l’écrit ou à toute forme de médisance faite par allusion ou par insinuation.

  1. Lorsque le médisant s’inclut dans ses propos

Emettre du Lachon Hara sur sa propre personne tout en discréditant le prochain est tout aussi interdit, même si l’on risque soi-même de subir un préjudice.

 

 

dietetique2

Diététique, hygiène et savoir-vivre – Cours 2

  1. Des vingt-quatre heures que totalisent le jour et la nuit, on trouvera suffisant de consacrer le tiers, autrement dit, huit heures à dormir. Ce seront des heures prises à la fin de la nuit en calculant un espace de huit heures du début du sommeil au lever du soleil. De la sorte, on se lèvera avant le soleil.
  1. Il ne faut, pour dormir, se coucher ni sur le ventre, ni sur le dos, mais reposer sur le côté gauche au début de la nuit, et sur le côté droit à la fin.
  1. On ne se mettra pas au lit sitôt après manger mais on laissera passer d’abord environ trois ou quatre heures. On évitera aussi le sommeil diurne.
  1. Les fruits ou légumes qui ont pour effet de relâcher le ventre comme les raisins, les figues, les mûres, les poires, les pastèques, diverses variétés de melons ou de concombres, on les mangera en hors-d’œuvre et sans les mettre en connexion avec le reste du repas. On attendra un peu de temps pour leur permettre de quitter l’estomac avant de passer à la suite des mets.
  1. Au contraire les fruits qui resserrent les entrailles comme les grenades, les coings, les pommes, les petites poires sauvages on les mangera sans mettre d’intervalle entre eux et le reste du repas, mais sans en prendre trop non plus.
  1. Quand on voudra consommer de la viande et de la volaille au cours du même repas, on commencera par la volaille. De même, s’il s’agit d’œufs et de volaille, les œufs devront être servis en  premier, ou de la chair du gros bétail et du petit bétail, cette dernière viendra d’abord. En toutes circonstances, on donnera priorité au produit léger sur le produit lourd.
  1. A la saison chaude, manger des mets froids point trop épicés.
  1. Durant la saison chaude au contraire, servir des aliments chauds, copieusement épicés, nais  n’user que  très  modérément de  moutarde.

  1. Suivre un régime analogue selon que l’on se trouve un pays froid ou un pays chaud en se conformant partout à ce qui convient au  lieu.
  1. Il est des nourritures qui sont infiniment nuisibles et dont il convient de ne jamais manger. Tels sont les grands poissons réservés depuis longtemps dans la saumure, le fromage vieux conservé au sel, les truffes et les champignons, la viande salée depuis longtemps.
  1. De même on évitera le vin sorti du pressoir, le plat qu’on a laissé attendre et qui dégage une odeur fétide, et, d’une manière générale, toute nourriture dont l’odeur est mauvaise ou amère à l’extrême, Tous ces aliments sont pour l’organisme comme de mortels poisons.
  1. Il existe d’autres nourritures qui sont nuisibles, mais sans atteindre à la nocivité des précédentes. C’est pourquoi il convient de n’en consommer qu’en petites quantités et de loin en loin, sans s’habituer à en faire la matière ou l’assaisonnement de ses repas.
  1. Tels sont les grands poissons, le fromage, le lait qu’on a laissé attendre vingt-quatre heures après la traite, la chair des taureaux ou des boucs adultes, les fèves, les lentilles, les pois, le pain d’orge ou le pain sans levain, le chou, le poireau, les oignons, l’ail, la moutarde, le raifort.
  1. Tous ces produits sont nuisibles et il ne faut en manger qu’en très petites quantités à la mauvaise saison, et s’en abstenir totalement en été. Pour les fèves, et les lentilles on n’en composera tout son repas ni à la mauvaise saison, ni en été. On mangera de la citrouille en été.

MAIMONIDE, Le livre de la connaissance

Chapitre 26 – De la vertu de la sainteté

Traduit du Messilate Yécharim (Le sentier de rectitude) de Rabbi Moché ‘Hayim Luzzato

La sainteté se présente à nous sous  un double aspect : aspect d’exercice volontaire et d’effort au début, aspect de récom­pense céleste et de don gratuit à son couronnement. En d’autres termes, l’homme commence par se sanctifier lui-même et reçoit, en fin de compte, la sanctification d’En-Haut.

C’est ce qu’ont enseigné nos Sages. « Si l’homme se sancti­fie quelque peu, il se voit sanctifié encore bien davantage ; se sanctifie-t-il ici-bas, il reçoit la sanctification d’En-Haut ». (Yoma 39 a)

En quoi consiste son effort ? A se séparer et à se déraciner entièrement du monde matériel pour s’attacher constamment, à toute heure et à tout instant, à D.ieu. C’est la raison pour laquelle les prophètes sont appelés anges, ainsi qu’il est dit au sujet d’Aaron :

«Les lèvres du prêtre sont les gardiennes du savoir. C’est à lui qu’on s’adresse pour connaître la Loi, car il est un ange de Hachem Tsebaot ». (Malachie  2, 7)

Ailleurs, il est écrit de même : «Ils offensaient les anges de D.ieu, méprisaient Ses paroles et se jouaient de Ses prophètes». (2 Chroniques 36, 16)

Même au moment où l’homme saint est pris par les occupations matérielles indispensables à sa vie physique, son âme ne se départ pas de son désir suprême, l’attachement, ainsi qu’il est écrit : « Mon âme est attachée à Ta suite Ta droite me sou­tient ». (Psaumes 63, 9)

Cependant, il faut reconnaître qu’il est impossible à un homme de parvenir par ses propres forces à un degré d’élé­vation qui dépasse ses moyens. Car, en fin de compte, c’est un être composé de matière, fait de chair et de sang. C’est pour­quoi nous avons dit que le couronnement de la sainteté était un don gratuit.

Tout ce que l’homme peut faire, c’est de s’employer à atteindre la connaissance véritable et à étudier sans relâche les règles de la pratique de la sainteté. Mais, finalement, c’est le Saint, béni soit-Il, qui le guidera sur la voie qu’il désire suivre, fera résider Sa sainteté sur lui et le sanctifiera. C’est alors seulement que l’homme réussira à s’attacher à Lui, béni soit-Il, de façon constante. Ce que la nature lui refuse, le Saint béni soit-Il, le lui donnera par Son aide et Son assistance ainsi qu’il est écrit : « Il ne refuse aucun bien à ceux dont les voies sont intègres ». (Psaumes 84, 12)

C’est ainsi qu’il faut comprendre la sentence  que nous avons rappelée plus haut : «Si l’on se sanctifie un peu » fait allusion aux progrès que l’homme peut réaliser par son propre effort. «Il se voit sanctifié davantage » par l’aide que lui accorde le Saint, béni soit-Il, ainsi que nous l’avons exposé.

Et, de fait, l’homme dont les efforts sont sanctifiés par le Créateur atteint un niveau où ses actions matérielles elles-mêmes prennent une valeur de vraie sainteté.

Nous en avons une preuve dans ce commentaire que nos Sages donnent à la consommation, prescrite par la Loi des viandes offertes en sacrifice sur l’autel : « Les prêtres les mangent et ceux qui les ont apportées obtiennent, par là, le pardon de leurs fautes». (Pessa’him 59 b)

   Ceci va nous permettre maintenant d’éclairer la différence qu’il y a entre la pureté et la sainteté.

Pour l’homme pur, les actions matérielles ne sont rien de plus que des nécessités de la vie et c’est dans cet esprit qu il les accomplit. Il en résulte que ces actions perdent le caractère défectueux qui leur vient de leur nature matérielle et deviennent pures, sans toutefois entrer, pour cela, dans la catégorie des actions saintes car, si on avait pu, on aurait préféré s’en dispenser.

L’homme saint, par contre, uni sans cesse à son D.ieu et dont l’âme, transportée d’amour et de vénération pour son Créateur, chemine parmi les Intellects purs, est comparable à l’homme qui marche devant D.ieu sur la terre des vivants pour l’éternité, alors qu’il se trouve encore en ce monde ici-bas. .

Aussi sa propre personne est-elle élevée au rang du sanctuaire, du Temple et de l’autel. Telle était la pensée de nos Sages lorsque dans un commentaire allégorique du verset: «D.ieu s’en alla d’au dessus de lui »,  ils disaient : « Nos Pères… Abra­ham, Isaac et Jacob sont eux-mêmes le char céleste». (Genèse Rabba 82, 6)

Ailleurs, cette idée est formulée ainsi : « Les Justes sont le char céleste », car la Majesté divine repose sur eux comme elle reposait sur le Temple de Jérusalem. Aussi la nourriture qu’ils consomment peut-elle être assimilée au sacrifice qui était consumé par le feu de l’autel.

Or nous savons que le fait d’être offert devant la Majesté divine conférait à tout ce qui était apporté sur l’autel une telle dignité et une telle importance que, du même coup, la bénédic­tion se répandait, de par le monde entier, sur tous les êtres ou les produits de la même espèce. Il en va de même pour la nour­riture et la boisson que l’homme saint vient à consommer : son geste confère à la nourriture et à la boisson la même dignité que leur aurait valu le fait d’être offerts sur l’autel lui-même. C’est pourquoi nos Sages nous enseignent :

« Quiconque homme qui apporte un présent à un Sage est considéré comme s’il offrait les prémices au Temple ». (Quetoubot 105 b)

« Prodiguez du vin aux Sages, en remplacement des libations ». (Cf. Yoma 71 a) 

Non pas, ce qu’à D.ieu ne plaise, que les Sages soient por­tés sur la bonne chère et la boisson en sorte qu’il faille les gaver comme des gloutons. La vérité est, comme nous l’avons déjà exposé, que les disciples des sages, étant donné que leurs voies et leurs actions sont empreintes de sainteté, sont effecti­vement comparables au sanctuaire et à l’autel, du fait que la Majesté divine repose sur eux tout comme elle reposait sur le sanctuaire. Il en résulte que le présent qu’on leur fait équivaut à l’offrande apportée à l’autel, et que leur offrir une boisson équivaut à remplir les coupes de libation.

 

De la même façon, tout objet dont ont fait usage des hommes vivant dans un attachement constant au Saint, béni soit-Il, acquiert du fait de ce contact avec le Juste, une dignité et une valeur éminentes. Cette vérité est illustrée par cet épisode de la vie de Jacob où il est dit qu’il prit des pierres de l’endroit et qu’il s’en fit un chevet. « Ceci nous indique, dit Rabbi Isaac, que les pierres se réunirent en un seul bloc, chacune d’elles prétendant : c’est sur moi que ce juste doit reposer sa tête». (‘Houlin  9 b)

 

En résumé, la sainteté consiste pour l’homme à s’attacher constamment à D.ieu, à un point tel que, quelle que soit l’action qu’il accomplisse, il ne vienne jamais à se séparer de Lui ni à s’en éloigner. Il en résulte qu’il est bien plus vrai de dire que les objets dont il s’est servi ont gagné en dignité par l’usage qu’il en a fait, que de prétendre que la constance de son attachement à Dieu et le degré d’élévation auquel il était parvenu ont souffert du fait qu’il s’est servi d’objets matériels. Et sans doute la condition de tout ceci est que son esprit et sa pensée, soient concentrés sans cesse sur la grandeur, la transcendance et la sainteté du Saint, béni soit-Il, au point qu’il puisse être considéré comme s’étant lié, dès ce monde-ci, à la cohorte des anges célestes. Or nous avons déjà fait remarquer que tout ce que l’homme pouvait faire en ce sens, c’était de déployer toute son énergie et ses efforts à la poursuite de ce but, en supposant bien entendu, qu’il se trouve déjà en possession des précieuses vertus dont nous avons parlé jusqu’ici, depuis la circonspection jusqu’à la crainte du péché.

« C’est avec cela qu’il se présentera dans le s anctuaire» s’il veut que ses efforts soient couronnés de succès. Car il va sans dire que si les vertus de base lui font défaut, il fera figure de profane, d’homme entaché d’un vice irrémédiable à qui s’applique le verset : «Le profane n’en approchera pas. » (Nombres 18, 4)

 

Si, par contre après s’être soumis à toute cette discipline préliminaire, il s’applique sans relâche, avec toutes les ressources de l’amour el de la crainte, à saisir la grandeur du Saint, béni soit-Il, et son insondable sublimité, il parviendra à se détacher progressivement des contingences matérielles et, dans tous ses faits et gestes, à concentrer son cœur sur les secrets de l’attachement vrai à D.ieu. C’est alors que l’Esprit d’En-Haut se répandra sur lui, que le Créateur, béni soit-Il, fera reposer Son nom sur lui, comme Il le fait pour tous ses saints, et qu’il deviendra lui même absolument semblable à un ange de D.ieu, toutes ses actions, même les plus humbles et les plus matérielles, prenant une valeur de sacrifices et de culte rendu à D.ieu.

 

Il est bien certain, dans ces conditions, que l’acquisition de cette vertu nécessite une abstinence soutenue, une réflexion intense sur les secrets de la Providence suprême et les mystères de la création, enfin la connaissance de la sublime grandeur du Saint, béni soit-Il, et de ses titres de gloire, jusqu’à ce qu’il soit attaché étroitement à Lui et qu’il sache diriger comme il convient sa pensée tout en continuant à vivre sa vie sur terre. C’est ainsi que jadis, le prêtre, pendant même qu’il égorgeait la bête du sacrifice, recueillait son sang ou l’aspergeait, devait n’avoir en pensée qu’un but : obtenir du Saint, béni soit-Il, par ces actes, la bénédiction, la vie et la paix. Si ces conditions ne sont pas réalisées, il est impossible à l’homme de parvenir jusqu’à ce degré de perfection. Il restera, à tout le moins, enta­ché de grossière matérialité, comme tous les autres mortels. L’homme se trouvera, par contre, grandement aidé, dans l’ac­quisition de cette vertu, par la pratique fréquente de l’isolement et de l’abstinence en sorte que, par l’élimination des facteurs de trouble, son âme pourra, avec des forces accrues, s’attacher au Créateur.

 

Quant aux obstacles qui nuisent à l’acquisition de cette vertu, ce sont avant tout une connaissance défectueuse des vérités essentielles et l’excès des rapports sociaux. C’est là, en effet, que tout ce qu’il y a de matériel en l’homme trouve un aliment, un excitant, et un surcroît de force, cependant que l’âme prise à ce piège, cherchera en vain à s’évader de cette prison. Si, par contre, l’homme rompt tous ces liens, se confine dans la solitude et se prépare à mériter que l’esprit de sainteté repose sur lui, on le fait avancer sur le chemin qu’il s’est choisi lui-même et son âme, forte de l’aide d’En-Haut, qui lui est accor­dée, triomphant des sollicitations du corps, parvient à s’attacher à la sainteté de Dieu et à atteindre, grâce à Lui, une perfection supérieure. De là, s’élevant à un degré encore plus élevé, elle pourra se hausser jusqu’à l’Esprit Saint, lorsque sa pénétration aura déjà dépassé les bornes de l’entendement humain.

 

Enfin son attachement à D.ieu peut atteindre un tel degré qu’il se verra confier le secret de la résurrection des morts, tout comme il fut confié à Élie et à Elisée. C’est bien là la preuve la plus éclatante de la force de son attachement au Saint, béni soit-Il, qui est la source de vie et qui dispense la vie à tout ce qui existe. Car, bien que nos Sages aient dit : «Il y a trois clefs que D.ieu ne confie à aucun intermédiaire,  l’une d’elles livre le secret de la résurrection des morts » (Taanit 2 a), celui dont l’attachement au Saint, béni soit-Il, est parfait peut tirer de Lui le pouvoir qui pourtant, plus que tout autre, Lui appartient en propre : celui de donner la vie. Aussi la sentence qui nous a servi de point de départ se termine-t-elle ainsi : «La sainteté conduit à l’esprit saint et l’esprit saint conduit à la résurrection des morts ». (Avoda zara 20 b)

 

Le sentier de rectitude – Messilate Yecharim – Rabbi Moché ‘Hayim Luzzato


CHAPITRE 2

De la vigilance

La vigilance consiste pour l’homme à surveiller ses actes et son comportement, c’est-à-dire penser et contrôler ses actes et ses voies, afin de savoir s’ils sont bons ou mauvais, pour ne pas abandonner son âme en danger de perdition, Dieu nous en garde, et ne pas marcher dans l’ornière de la routine, comme un aveugle dans les ténèbres. Le bon sens, d’ailleurs, en fait une évidence, car si l’homme est doué de connaissance et d’intelligence qui lui permettent de se sauver et de fuir la perdition, comment pourrait-il se détourner de son salut ? Ce serait trop de déficience et de folie perverse. En agissant ainsi, l’homme se situerait à un niveau inférieur à l’animal, qui, par nature, sait se garder lui-même et qui, par conséquent, évite et fuit tout ce qui peut lui paraître nuisible.

Celui qui marche dans le monde sans se demander si sa voie est bonne ou mauvaise, ressemble à l’aveugle qui chemine le long d’un fleuve. Le danger qu’il court est immense, et il est plus proche de son malheur que de son salut. Peu importe en effet que le manque de circonspection soit le fait d’une cécité naturelle ou d’un aveuglement volontaire. Voici Jérémie qui se lamente sur la perversité de ses contemporains dont le mal était justement de fermer les yeux sur leur conduite et de ne pas se soucier de savoir s’ils devaient continuer dans leur voie ou l’abandonner. « Personne parmi eux ne regrette ses mauvaises actions et ne dit : »Qu’ai-je fait?  »Tous, ils reprennent leur course, tel qu’un cheval qui se précipite au combat ». Tous continuent à suivre leurs chemins par la force de l’habitude, sans se donner le temps d’examiner leurs actions, et leurs voies. Aussi tombent-ils dans le malheur, sans même l’apercevoir.

Et c’est là assurément, un des stratagèmes de l’instinct du mal, une de ses ruses que d’accabler les hommes par un travail ininterrompu de sorte qu’ils n’ont plus de loisir pour prendre conscience du chemin qu’ils suivent, ni l’examiner. Il sait bien qu’il suffirait aux hommes de prendre garde à leurs voies, si peu que ce fût, pour qu’aussitôt ils se prennent à regretter leurs actes et dans un repentir grandissant rompent entièrement avec le péché. C’est ainsi qu’agissait Pharaon, l’oppresseur lorsqu’il ordonnait « qu’il y ait surcharge de travail pour eux, et qu’ils y soient astreints, et qu’on n’ait pas d’égard à des propos mensongers». Son intention était, non seulement de leur enlever tout loisir pour conspirer contre lui, mais encore d’annihiler en eux, par l’effet d’un travail sans répit, tout effort de réflexion. Les desseins de l’instinct du mal à l’égard des hommes sont du même ordre. Car il est un infatigable guerrier, expert en ruse. Il n’est possible d’en être délivré que par grande sagesse et vive prudence. Aussi le prophète nous adjure-t-il en ces termes : « Appliquez votre attention à votre manière d’agir. » Et Salomon dit dans sa sagesse : « N’accorde pas de sommeil à tes yeux ni de repos à tes paupières. Dégage-toi comme le cerf de la main [du chasseur] comme le passereau de la main de l’oiseleur ». Nos Sages enfin disent : « Tout homme qui prend garde à ses voies en ce monde, méritera le salut de Dieu  ». Il est bien évident que malgré toute sa vigilance, l’homme ne peut se sauver sans le secours de Dieu, car l’Instinct du Mal est très fort, ainsi qu’il est écrit : « Le méchant  fait le guet pour perdre le juste, il cherche à lui donner la mort. D.ieu ne l’abandonne pas entre ses mains. » En fait, même si l’homme veille sur lui-même, il ne peut être sauvé de l’Instinct du Mal que parce que Dieu lui vient en aide. Mais s’il ne prend pas garde à lui, il est évident que Dieu ne le gardera pas, car s’il n’a pas de pitié pour lui-même, qui en aurait?

C’est en ce sens que nos Sages ont dit : «Quiconque n’a pas en lui la connaissance n’a pas le droit à la miséricorde . » Et aussi : « Si je ne suis pas pour moi, qui sera pour moi ? Et si je suis pour moi, que suis-je ? Et si ce n’est pas maintenant, quand? ».


CHAPITRE 3

Aspects de la vigilance

 

Celui qui veut veiller sur lui-même , doit se livrer à deux genres d’examens nécessaires. Le premier lui donnera une notion claire du bien véritable que l’homme doit choisir et du mal véritable qu’il doit fuir. Le second portant sur les actes qu’il accomplit, lui révélera s’ils entrent dans la catégorie du bien ou du mal.

Cette réflexion s’impose aussi bien au moment de l’action qu’en dehors d’elle. Au moment de l’action pour que l’homme ne fasse rien sans l’avoir pesé et jaugé. En dehors de l’action pour que le souvenir de l’ensemble de ses œuvres lui revenant à l’esprit, il les pèse et les examine. Il reconnaîtra alors celles qui sont mauvaises et qu’il doit repousser et celles qui sont bonnes et méritent d’être poursuivies. Si certaines de ses actions sont mauvaises, il réfléchira et cherchera quel moyen ingénieux adopter pour s’écarter du mal et s’en dégager entièrement.

Nos Sages ont dit en ce sens : « Mieux eût valu pour l’homme qu’il ne fût point créé.  Mais, du moment qu’il l’a été, qu’il examine ses actes ». D’autres disent : « Qu’il les palpe. » Les deux versions renferment chacune un enseignement profitable. Examiner ses actes, en effet, c’est réfléchir, reconnaître ceux qu’il eût mieux valu éviter parce qu’ils n’étaient pas conformes aux ordres et aux lois de D.ieu. Il est nécessaire de renoncer à de tels actes, s’il en trouve. Palper ses actes, c’est scruter les bonnes actions elles-mêmes pour examiner si elles ne contiennent aucune mauvaise orientation ou quelque parcelle de mal qu’il faudra éliminer et abolir. C’est comme si nous tâtions un vêtement pour savoir s’il est bon et solide, ou mauvais et usé. Faisons subir la même épreuve à nos actes et examinons leur qualité avec la dernière rigueur jusqu’à ce qu’ils deviennent purs et nets de toute souillure.

En résumé, l’homme doit examiner tous ses actes, contrôler toutes ses voies pour ne laisser en lui aucune habitude vicieuse, aucune mauvaise vertu et encore moins, la transgression et le crime.

Et je constate qu’il est nécessaire à l’homme de peser scrupuleusement ses voies, jour après jour, comme ces grands hommes d’affaires qui font sans cesse leur bilan pour éviter toute perte. Qu’il se fixe à cet effet, des heures déterminées, pour que son examen de conscience ne soit pas fortuit, mais ait la plus grande régularité. C’est là une pratique lourde de conséquences, et nos maîtres nous ont enseigné explicitement la nécessité de cette comptabilité : « Ceux qui sont maîtres de leurs passions disent : « Evaluons ce que nous perdons à observer un commandement par rapport à ce que nous y gagnons et ce que nous gagnons à le transgresser par rapport à ce que nous y perdons ». »

A vrai dire, seuls ceux qui se sont dégagés de l’instinct du mal et qui le dominent, peuvent donner ce conseil et en apprécier l’exactitude. Car les yeux de celui qui est encore prisonnier de son instinct ne voient pas cette vérité. Il est incapable de la reconnaître car l’instinct du mal rend aveugle le pécheur qui va dans les ténèbres au-devant d’un piège qu’il ne voit pas.

Nos sages disent: «Tu ramènes les ténèbres et c’est la nuit », « Tel est ce monde qui ressemble à la nuit ». Comprends combien ces paroles sont admirables pour celui qui les approfondit. L’obscurité de la nuit peut en effet entraîner pour l’œil humain deux sortes d’erreurs.  Elle peut, soit l’envelopper au point de l’aveugler complètement, soit l’induire en erreur et lui faire prendre une colonne pour un homme, un homme pour une colonne. Or, le côté physique et matériel de ce monde  jouent le rôle des ténèbres de la huit pour l’œil de l’esprit. Ils sont la source de deux genres d’erreurs. Ils l’empêchent d’abord de voir les obstacles parsemés sur les routes de ce monde, de sorte que les gens simples marchent avec insouciance, tombent et périssent, avant même qu’un sentiment de crainte ait pu les effleurer. C’est en ce sens que les Proverbes disent : «Le chemin des méchants est sombre comme les ténèbres : ils ne savent pas ce qui les fait trébucher. » « L’homme avisé voit le danger et se met à l’abri. Les sots passent outre et en pâtissent . » « Le sot se laisse aller. Il a confiance . » Leur cœur est plein d’assurance, ils tombent avant d’avoir soupçonné la présence de l’obstacle.

La deuxième erreur est plus grave que la première.  Elle trompe leur sens jusqu’à leur faire voir le mal comme s’il était réellement le bien et le bien comme s’il était le mal. Ils s’endurcissent ainsi dans leurs œuvres mauvaises et y persévèrent. Non seulement ils ne voient plus le mal qui est présent mais, chose plus grave, ils tentent de justifier leurs opinions perverses et leurs théories erronées.

C’est cette erreur, la plus grave de toutes qui, les tenant captifs, les mène à la fosse de perdition ainsi qu’il est écrit : « Le cœur de ce peuple est épais, ses oreilles sont sourdes, ses yeux sont aveugles . » Tout cela parce qu’ils sont prisonniers des ténèbres et subjugués par leurs passions. Mais ceux qui se sont dégagés de cet emprisonnement contemplent la vérité sous son vrai jour, et peuvent ainsi diriger les autres hommes vers elle.

A quoi cela ressemble-t-il ? A un jardin en labyrinthe que les princes se font construire pour leur divertissement. Les plantations s’y élèvent comme des murs : entre elles courent de multiples sentiers qui se perdent et s’entremêlent et se ressemblent tous.  Il  s’agit d’accéder par eux à une galerie centrale, dont la plupart des sentiers éloignent le promeneur. Et, de fait, il lui est impossible de reconnaître le bon chemin du mauvais, car tous sont identiques et rien ne les distingue, à moins que l’expérience ne l’aide à se retrouver, ayant déjà parcouru la voie et ayant atteint le but, au centre de la galerie. Celui qui s’y retrouve voit tous les chemins devant lui. Il distingue les vrais des faux : il peut avertir les passants et leur dire : « Voici le chemin que vous devez emprunter. » Qui veut lui faire confiance atteindra l’endroit du rendez-vous. Mais celui qui s’y refuse et préfère se fier à ses yeux se perdra certainement sans atteindre le but.

Il en est de même pour nous. Celui qui n’a pas encore dominé l’instinct du mal se trouve au milieu des sentiers, incapable de les distinguer. Mais ceux qui sont maîtres de leurs instincts, ont déjà atteint la galerie. Ils sont sortis des sentiers et embrassent tout d’un regard clair, ils peuvent donner des conseils à ceux qui veulent bien les entendre. C’est à eux que nous devons faire confiance. Or quel conseil nous donnent-ils ? « Venez faire votre  examen [de conscience], venez, faisons l’examen du compte de ce monde ».

Car ils ont éprouvé, ils ont vu et ils savent que c’est le seul chemin véritable, nul autre ne mène l’homme au bonheur qu’il recherche, il n’est rien hors de là.

En résumé, l’homme doit méditer sans relâche, pendant les moments de solitude qu’il se sera fixés à cet effet. Quelle est la voie réelle ordonnée par la Torah, et que l’homme doit nécessairement prendre ? Puis il examinera ses actions pour savoir si elles suivent cette voie ou non. S’il agit ainsi, il lui sera assurément plus aisé de se purifier de tout mal et de redresser toutes ses voies. Ainsi qu’il est écrit : « Aplanis avec soin le sentier que foule ton pied et tous tes chemins seront sûrs » « Examinons nos voies, scrutons-les et faisons retour vers D.ieu. »


CHAPITRE 4

Comment acquérir les voies de la vigilance

 

La voie qui mène l’homme à la vigilance est l’étude de la Torah : « La Torah mène à la vigilance », disait Rabbi Pin’has. Plus précisément, ce qui y mène, c’est la réflexion sur la gravité de l’œuvre qui incombe à l’homme et la rigueur du jugement qui sanctionne son accomplissement. Or cette réflexion naîtra de l’étude attentive des faits et gestes relatés par les livres saints et des sentences des Sages de mémoire bénie qui se proposent d’éveiller l’homme sur ce sujet.

Il y a lieu, d’ailleurs, d’établir une hiérarchie de valeurs parmi les mobiles qui la feront germer, selon qu’il s’agit de natures d’élite, d’êtres moins élevés ou de la foule.

  Pour les natures d’élite, le mobile déterminant sera la conscience que la perfection seule est désirable, et rien en dehors d’elle et qu’il n’est de mal plus grand que d’en être privé ou éloigné. Pénétrés et convaincus de ce que les moyens pour atteindre la perfection sont les bonnes actions et les vertus morales, ces hommes n’accepteront jamais d’en amoindrir le nombre ou l’efficacité. Ils savent trop bien qu’en transigeant sur le nombre de ces moyens, en manquant d’énergie et de zèle pour les accomplir, ils tomberont au lieu d’atteindre la vraie perfection dans la mesure même de leur faiblesse. Or il n’est point pour eux de tourment plus grave, de plus grand malheur. Aussi auront-ils à cœur de multiplier et d’intensifier les moyens mis en œuvre en se préoccupant de chaque détail, sans avoir de cesse, car ils sont tourmentés par l’idée qu’il leur manque peut-être ce qui leur permettrait d’atteindre la perfection désirée. Ceci exprime l’idée du roi Salomon lorsqu’il disait : « Heureux l’homme qui est dans une crainte permanente». Cette crainte, disent nos Sages, est celle de ne pas accomplir les ordres de la Torah.

Le sommet de cette vertu se trouve être « la crainte de la faute » qui est un des degrés les plus dignes d’éloge. A ce niveau, l’homme redoute et s’angoisse perpétuellement d’avoir sur la conscience un soupçon de faute qui l’empêcherait d’atteindre la perfection qu’il doit s’efforcer de réaliser. C’est à cela que font allusion nos Sages lorsqu’ils disent, dans leur langage imagé : « [Dans le monde à venir,] chacun sera consumé de regrets à la vue du dais qui recouvrira son prochain. » Il ne s’agit pas ici d’une envie qui ne peut s’emparer que d’êtres imparfaits, mais chacun est consumé du regret d’être inférieur au degré de perfection qu’il eût pu atteindre aussi bien que tout autre. Or, il est clair qu’après avoir médité ce sujet, l’homme d’élite ne manquera pas d’être vigilant dans ses actes. Altérer

Chez les hommes d’un discernement moins raffiné, l’éveil sera donné selon leur intelligence, par la gloire à laquelle ils aspirent. Or il est évident pour tout homme doué de sens, que les hiérarchies du monde réel, qui est le monde à venir, ne se déterminent que selon les actes.  Ne possédera un niveau élevé que l’homme le plus muni [en bonnes actions], le plus dépourvu sera rabaissé. Comment l’homme pourrait-il dès lors détourner les yeux de ses actions, ou réduire son effort, s’il est certain qu’il se tourmentera un jour, lorsqu’il ne pourra plus réparer ce qu’il aura altéré.

Il est pourtant des gens siimples qui ne cherchent qu’à se faciliter la tâche et qui disent : « A quoi bon nous fatiguer avec toute cette piété, et cette ascèse? Il nous suffit de ne pas faire partie des impies  châtiés en enfer. Nous n’avons nul besoin de nous presser à entrer au lieu le plus intime du jardin d’Éden. Si nous n’avons pas une belle part, nous en aurons une petite. Elle nous suffira bien et nous n’allons pas alourdir le joug de notre charge pour cela». A ces gens, nous poserons seulement une question : consentiraient-ils aussi facilement à voir, en ce monde passager, un homme de leur condition accéder à des honneurs et à un rang auquel ils n’accèdent pas, et les commander? Surtout s’il s’agissait d’un de leurs serviteurs ou de ces pauvres qu’ils méprisent et regardent de haut. N’en seraient-ils pas ulcérés ? Leur sang ne bouillirait-il pas en eux ?

Nous voyons bien toute la peine que l’homme se donne pour s’élever autant qu’il peut, et prendre position parmi les grands : «Et j’ai observé que le labeur de l’homme et tous ses efforts pour réussir ont pour mobile la jalousie qu’il nourrit contre son prochain». Et si l’un d’entre eux voit son compagnon s’élever tandis que lui-même reste à niveau inférieur, il ne fait assurément que se plier à une situation qu’il est bien forcé de supporter. Il ne peut rien y changer, mais au fond de son cœur il est plein de dépit.

Si donc il leur est si pénible d’être plus bas que les autres dans une hiérarchie illusoire et trompeuse, où la dernière place n’est qu’apparente, et la première vanité et mensonge, comment supporteront-ils de se voir dépassés par ceux qui sont maintenant leurs inférieurs, et cela dans le monde des vraies valeurs et de la gloire éternelle ? Car ils ont beau ignorer aujourd’hui son prix et ne pas s’en soucier, un jour viendra, certes, où ils reconnaîtront sa vérité, à leur grand dam et à leur honte, et il ne leur restera qu’un regret poignant et éternel. Tu peux donc déduire que cette patience qu’ils se prêchent pour alléger le poids de leur service [divin],  n’est qu’une séduction mensongère de l’instinct du mal qui ne représente rien de vrai.

En fait cette séduction ne pouvait se produire s’ils regardaient le problème dans toute sa vérité. Mais comme ils n’en ont cure et sont livrés à leur erreur, ils vivent avec leur séduction jusqu’au temps où il sera trop tard, où ils ne pourront plus réparer ce qu’ils auront détruit. Ainsi le disait le roi Salomon : « Tout ce que tes propres moyens  te permettent de faire, fais-le : car il n’y a ni activité, ni comptes, ni science, ni sagesse dans le Chéol, vers lequel tu te diriges» .Ce que l’homme n’aura pas accompli tant qu’il possède le pouvoir, venu de son Créateur, de choisir sa voie pendant tous les jours de cette vie terrestre où il est à la fois libre et sollicité par les devoirs, il ne pourra plus le faire dans la tombe et le Chéol où il aura perdu cette possibilité. Qui n’aura pas multiplié les bonnes actions pendant sa vie, ne pourra plus les accomplir après. Qui n’aura point fait l’examen de ses actes, n’aura plus le loisir de le faire. Et qui n’aura pas augmenté sa sagesse en ce monde, ne deviendra pas un sage dans la tombe. Ainsi qu’il est dit : «car n’y a ni activité, ni comptes, ni science, ni sagesse dans le Chéol vers lequel tu te diriges. »

Chez l’homme ordinaire enfin, l’éveil sera donné par la représentation de la récompense et du châtiment eux-mêmes. Le spectacle de l’étendue de la justice divine, à qui rien n’échappe, est bien propre à entretenir un tremblement et une angoisse perpétuels. Car qui pourrait penser subir victorieusement l’épreuve du Jugement ? Et qui se disculperait devant son Créateur, au regard duquel nulle chose, ni petite ni grande, n’échappe ?

Expliquant le verset « il révèle à l’homme sa propre parole », nos Sages disent que l’on rappellera à l’homme, le jour du Jugement, même un propos léger qu’il aura pu tenir à sa femme. Ils disent encore« que D.ieu ne laisse rien passer à ses saints, fût-ce de la largeur d’un cheveu ». Abraham, qui fut Abraham-le-bien-aimé du Créateur puisque le verset l’appelle « Abraham, mon bien-aimé », n’a pas évité la punition de quelques paroles inconsidérées qu’il avait prononcées, ayant demandé : « comment saurai-je que je posséderai ce pays ? », le Saint, béni soit-Il, lui répondit : « Par ta vie, sache que tes descendants seront des étrangers… .»

Parce qu’il fait alliance avec Avimélekh sans l’ordre de D.ieu, le Saint, béni soit-Il, lui dit : « Par ta vie, sept générations passeront avant que tes enfants ne connaissent la joie. »

Jacob s’étant emporté contre Rachel qui lui disait : « Donne-moi des enfants », Dieu lui dit : «Est-ce ainsi qu’on répond à une femme dans l’affliction ? Par ta vie, tes fils se tiendront debout devant son fils . »

Jacob avait enfermé Dina dans un coffre pour la soustraire à Esaü  bien que l’intention était bonne, mais du fait qu’il priva son frère d’un bienfait Dieu dit : «A celui qui se consume de chagrin devrait aller la sympathie de ses amis. Tu n’as pas voulu pour elle d’un circoncis, elle sera prise par un incirconci.Tu n’as pas voulu pour elle d’un mariage légitime : elle sera prise de force. »

Joseph qui avait dit à l’échanson : « Souviens-toi de moi lorsque tu seras heureux » resta deux ans de plus en prison . Ayant fait embaumer le corps de son père sans l’assentiment divin, ou selon d’autres, ayant entendu sans protester ses frères dire : « Notre père, ton serviteur », il mourut avant eux.

David qui avait appelé « chants » les paroles de la loi en fut puni lors de l’accident d’Ouza qui vint troubler sa joie.

 Mikhal, pour avoir reproché à David d’avoir dansé en public devant l’Arche, mourut en mettant son enfant au monde.

Ezéchias qui exhiba ses trésors aux ambassadeurs du roi de Babylone fit le malheur de ses fils, condamnés à servir comme eunuques dans le palais de ce roi. Les exemples de ce genre abondent.

 Rabbi Yo’hanan, disent nos Sages, pleurait chaque fois qu’il lisait ce verset: «Et je m’avancerai vers vous pour faire justice. Je me hâterai de témoigner contre les magiciens, les adultères, les parjures, contre ceux qui exploitent le salarié, les oppresseurs de la veuve et de l’orphelin, de l’étranger, et qui ne me redoutent point, dit le Seigneur . » « Que peut un serviteur, dit Rabbi Yo’hanan, à qui l’on tient la même rigueur des fautes légères que des fautes graves ? » Ce n’est pas que, selon lui, la punition soit la même pour toutes les fautes, car D.ieu punit selon la gravité de la faute.

  Il faut entendre que sur la balance de nos actions, le poids de nos fautes légères entre en ligne de compte comme celui de nos manquements graves et que ces derniers ne font pas oublier les autres. Le juge ne s’en détourne pas, mais, donnant une attention égale à chacun d’eux, il condamne et punit chaque faute, selon sa gravité. Le roi Salomon dit à ce sujet : « Car toute action, D.ieu la fera paraître en jugement, si cachée soit-elle, bonne ou mauvaise . » Car, pas plus qu’il n’oublie de récompenser une bonne action, si minime soit-elle, Dieu n’oublie pas de reprendre la faute, si vénielle soit-elle. Que cela fasse réfléchir quiconque se berce d’illusions et s’imagine que D.ieu ne nous jugera pas pour des peccadilles et ne nous en demandera pas un compte rigoureux. Car nos Sages enseignent : « Si l’instinct du mal te suggère : « Pèche et D.ieu te pardonnera », ne l’écoute pas», cela n’est que trop clair, puisque Dieu est un Dieu de vérité. Ainsi parlait Moïse notre maître : « Lui, notre Rocher, son œuvre est parfaite, toutes ses voies sont justes. Dieu fidèle, sans iniquité, juste et droit. » Puisque D.ieu veut la justice, il la violerait en détournant son regard soit du mérite soit de la faute. Aussi faut-il qu’il donne à chacun selon ses voies et selon ses œuvres avec la plus scrupuleuse exactitude, soit en bien, soit en mal. Voilà le « D.ieu fidèle sans iniquité, juste et droit», c’est-à-dire, selon nos Sages, pour les justes comme pour les méchants. Ainsi le veut Sa nature de juge universel, dont le châtiment atteint toute transgression et auquel on n’échappe pas.

Mais alors, diras-tu, que devient la miséricorde divine, puisque tous nos actes sont implacablement jugés ?

La réponse est la suivante: Il est certain que la miséricorde divine est le fondement du monde. Sans elle, il ne pourrait pas subsister un instant. Mais la justice n’en pâtit point. Et voici comment. D’après la justice stricte, il conviendrait que le pécheur soit puni immédiatement et sans délai après sa faute, que le châtiment lui-même soit lourd de tout le courroux que mérite un rebelle à la parole divine, enfin, qu’il n’y ait aucun moyen de réparer le mal. Car, en vérité, comment l’homme pourrait-il réparer ce qu’il a altéré, la faute une fois commise ? Le meurtre, l’adultère, comment les réparer ? Peut-on soustraire à l’existence un acte déjà commis ?

C’est ici que la miséricorde divine intervient pour changer totalement ces trois données. Un délai est accordé au pécheur, lui permettant de ne pas disparaître du monde aussitôt après la faute; le châtiment ne va pas jusqu’à l’anéantissement total, le repentir enfin est donné aux pécheurs, par un geste de pur amour divin qui agrée l’abolition de la mauvaise volonté, comme équivalent à l’abolition de l’acte lui-même. Si le pénitent, en effet, reconnaît sa faute, en fasse l’aveu, médite sur sa perversité, s’en détourne et en éprouve un regret sans réticence comme d’un voeu inconsidéré, si son désir le plus évident est que cet acte n’ait jamais été commis, et qu’un remords cuisant de l’avoir accompli tourmente son cœur, s’il l’exècre désormais et fuit loin de lui, le renoncement total auquel sa volonté aura consenti lui vaudra le pardon.

Tel est le sens du verset : « Ton péché a disparu, ta faute est effacée. » Car le péché disparaît alors véritablement du monde, comme extirpé par le remords et le regret du passé.

Sans doute cet acte d’amour ne dérive-t-il pas de la stricte justice. Mais il ne la contredit pas non plus. On peut admettre, en effet, qu’à la complaisance et à la jouissance dans le péché se substituent maintenant le regret et la souffrance.

De même le délai accordé à l’homme ne signifie pas rémission de son péché, mais tolérance passagère afin de laisser une porte ouverte à la réparation. Il en va de même pour d’autres actes d’amour divin, tels que l’indulgence accordée aux parents en vertu des mérites de leurs enfants, ou un châtiment partiel tenant lieu de châtiment total. Ils ne contredisent ni n’annulent l’exercice de la justice, car on peut leur trouver de bonnes justifications. Si, par contre, il y avait une rémission des péchés sans contrepartie, ou s’il n’en était pas tenu compte, ce serait la négation de toute justice. II n’y aurait plus ni droit, ni équité : c’est une pure impossibilité. Si le pécheur ne choisit pas une des voies dont nous avons parlé pour sauver son âme, la stricte justice fera nécessairement son office. «Il est longanime, mais il encaisse sa dette », disent nos Sages.

II s’ensuit que l’homme qui veut ouvrir les yeux, ne peut échapper par aucun prétexte à la nécessité de veiller sur ses actes avec l’attention la plus soutenue et de les examiner avec la plus grande minutie. Telles sont les considérations auxquelles l’homme doit se livrer : grâce à elles, il acquerra la vigilance, s’il est doué de sensibilité.