Mais qu’est ce que la sainteté ? – Paracha Kedochim 5774

  D.ieu parla  à Moïse  en  disant : « Parle  à  toute   la  communauté des enfants d’Israël et dis-leur : Soyez saints car Je suis saint, Moi, Hachem votre  D.ieu. (Lévitique 19, 2)

Rachi explique : « Ce verset enseigne que ce chapitre fut dit en assemblée, parce que la plupart des lois fondamentales de la Torah en dépendent ».

Certaines mitsvot  ne s’adressent qu’à une catégorie particulière parmi les membres de la nation, telle que les cohanim, les lévites, les premiers-nés, les mâles, etc.

Le postulat de la sainteté concerne, en revanche, toutes les couches de la population, et chacun est appelé à réaliser la grande tâche, dans la mesure de ses capacités et de ses moyens (Car la voix divine s’adresse à chacun suivant ses forces ses capacités et ses moyens).  Cette explication est donnée en rapport avec les multiples voix entendues au Sinaï lors de la Révélation.

La présence de « toute la communauté des enfants d’Israël » indique, d’autre part, que le but final de la sainteté ne peut se réaliser que dans l’effort collectif de l’ensemble de la nation. Chaque individu peut, certes, parvenir à un certain degré de sainteté, mais cet effort personnel demeurera de portée relative, étant donné que «la plupart des lois fonda­mentales de la Torah dépendent de la présence de la communauté » (par exemple les offices sacrés, les « convocations saintes » aux jours de fêtes, les nombreux devoirs d’entraide sociale, les mitsvot  de chemita, de l’année du jubilé, etc.). C’est pourquoi la gloire du Saint, béni soit-il, ne peut se manifester que sur le plus grand nombre, comme Rachi le rappelle dans son commentaire )Nombres 10, 36).

La plus haute perfection ne se conçoit pas dans la solitude ni dans l’isolement. Elle nécessite la communion avec autrui.

Soyez saints. Rachi explique : « Ecartez-vous des rapports sexuels interdits et du péché, car partout où tu trouves une barrière devant la débauche, tu trouves mention de la sainteté ».

Cette interprétation qui définit la sainteté comme le devoir d’abstinence de ce qui constitue un péché est toutefois contredite par Na’hmanide, de même que par Ba’hya ibn Pakouda (dans Cad hakéma’h). D’après ces auteurs, la sainteté se rapporte au vaste secteur des actes autorisés par la loi, selon la sentence talmudique : Sanctifie-toi dans les actes qui te sont permis (Yebamot  20 a). La loi laisse, en effet, une marge importante d’actions licites à côté de celles qu’elle défend formellement. C’est ainsi qu’elle interdit une série d’unions avec les proches parents de même que la consommation de certains aliments, mais elle permet les rapports intimes légaux et la consommation de la viande ou du vin.

L’homme pourrait ainsi se livrer à la volupté dans le cadre de ses droits légaux et il pourrait se ranger parmi «les buveurs de vin et les amis de la bonne chère» (Proverbes 23, 20). Il pourrait faire usage d’un langage effronté et obscène sans enfreindre une défense formelle de la loi. Il deviendrait ainsi un être avili tout en demeurant dans la légalité de la Torah. C’est pourquoi l’Ecriture proclame ici l’ordre général de la retenue dans le domaine des actes licites, après avoir auparavant spécifié les actes rigoureusement interdits.

La sainteté implique la tempérance qui consiste à modérer les désirs et les passions. Elle comporte la sobriété dans la satisfaction de nos appétits, la fuite devant toutes les espèces d’impuretés rituelles, la modération dans le langage au point d’en arriver à «ne jamais bavarder de choses vaines et frivoles», selon l’exemple des Sages cité dans le Talmud (Soucca 28 a). Elle transcende ainsi le niveau le la morale ordinaire.

Vu sous cet angle, le postulat de la sainteté ne constitue pas, comme l’affirme l’auteur des Halakhot Guedolot, un commandement biblique faisant partie des 613 commandements, mais il représente un « ordre général, appelé à donner à la législation le complément nécessaire pour assurer le comportement éthique des individus ».

Pour Rabbi Moché ‘Hayim Luzzatto, cependant, l’austérité qui constitue, selon  Na’hmanide le fond même de la sainteté, ne représente que «la voie menant au degré de la piété ou ‘hassidout » qui est   inférieur à celui de la sainteté. Il trace, au treizième chapitre de son livre Messilat  Yecharim, les limites de cette action préliminaire qui ne doit pas déboucher sur l’ascèse, la mortification et le refus de toute jouissance. En tout état de cause, la vie austère qui s’exprime dans l’exercice des actes quotidiens ne  saurait faire obstacle au devoir de la sociabilité, compris dans la mitsva d’une vie sanctifiée, comme noté ci-dessus.

D’après Luzzato, la sainteté consiste pour l’homme «à vivre en état d’union avec D.ieu, à un point tel que, quelle que soit l’action qu’il accomplisse, il ne vienne jamais à se séparer de Lui ni à s’en éloigner. Et l’homme dont les efforts sont sanctifiés par le Créateur atteint un degré où ses actions matérielles elles-mêmes prennent une valeur de vraie sainteté. Si, après s’être soumis à toute la discipline (des mitsvot) préliminaires, l’homme s’applique sans relâche, avec toutes les ressources de l’amour et de la crainte, à saisir la grandeur de D.ieu, il parviendra à se détacher progressivement des contingences matérielles et à concentrer son attention sur l’union véritable avec D.ieu. C’est alors que l’esprit d’En Haut se répandra sur lui, que le Créateur fera reposer Son nom sur lui et qu’il deviendra semblable à un ange du Seigneur, toutes ses actions, même les plus humbles et les plus matérielles, prennent une valeur de sacrifice, et de culte rendus à D.ieu» (chapitre  26). Telle est la définition de l’attachement à D.ieu, qui mène à la sainteté.

Car Je suis saint. L’homme est perfectible, parce que D.ieu, son créateur, est parfait. Sa sainteté est garante de notre aptitude à la sainteté.

Les Sages du Midrach ne manquent cependant pas de souligner que la nature de la sainteté divine est différente et supérieure à celle des hommes. D.ieu est saint dans l’absolu, alors que les hommes, liés à la matière par leur constitution, ne peuvent prétendre qu’à un degré relatif de sainteté.

Cette différence apparaît extérieurement dans l’orthographe du mot kadoch selon qu’il se rapporte à D.ieu ou à l’homme. Il est écrit avec le wav, dans le premier cas (ce qui indique la plénitude de la sainteté), mais sans wav dans le second cas, en raison du caractère incomplet de la sainteté la hommes.

L’adjectif saint appliqué à D.ieu, écrit Juda Halévy, signifie qu’Il est saint et sublime à tel point qu’aucune qualité des créatures ne peut Lui être attribuée. Si  une telle qualité est néanmoins invoquée à Son sujet, comme dans les livres des Prophètes ceci s’entend au sens métaphorique  (le Kuzari  4, 3).

Aussi ne peut-il être défini que par  des attributs négatifs,  comme  Maïmonide l’explique  dans son Guide (1, 59).  Il  ne peut en être autrement, étant donné que D.ieu est immatériel dans son essence et qu’Il transcende les dimensions du temps, de l’espace, y  compris celle  de l’espace céleste.

Tel est le sens de la «triple sainteté» kadoch, kadoch, kadoch attribuée à Dieu par le prophète Isaïe (6, 3),  selon la traduction du Targoum Yonathan dont il  est fait état dans notre rituel quotidien.

A côté de cette sainteté intégrale,  qui n’existe que dans l’absolu des sphères de l’Esprit, se situe la sainteté relative des êtres humains. Elle comprend un côté négatif qui consiste en l’exercice de l’abstinence invoqué précédemment, de même que dans le détachement  et l’éloignement de toutes les sources d’impuretés dans le  domaine  de la nourriture, dans celui des relations sexuelles  et des contacts avec les objets frappés d’impureté rituelle.     Grâce  à ce dégagement   des   contingences  terrestres,   la   sainteté   des  hommes reflète  l’image   : celle de Dieu.

 Elle reproduit en outre cette image par son côté positif qui concerne   la perfection  morale.   Ses   principes   essentiels,   exposés   dans  le   présent   chapitre sont basés sur la «imitatio dei»,  qui consiste à imiter D.ieu dans l’exercice  de ses  treize attributs d’amour.

La sainteté des hommes,  suprême objectif de la législation biblique,  est le  fruit de l’accomplissement des commandements, positifs et négatifs :        « Vous accomplirez tous mes commandements et vous serez saints pour votre Dieu ».  (Nombres 15, 40)

 Adapté à partir de La Voix de la Torah

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