D.ieu parla à Moïse au mont Sinaï, en disant : « Parle aux enfants d’Israël et dis-leur : Quand vous serez entrés dans le pays que Je vous donne, la terre sera soumise à un chabbat pour D.ieu. Six années tu ensemenceras ton champ, six années tu travailleras ta vigne, et tu en recueilleras le produit. Mais, la septième année, un chômage absolu sera accordé à la terre, un chabbat pour D.ieu. Tu n’ensemenceras ton champ ni ne tailleras ta vigne.
Le produit spontané de ta moisson, tu ne le couperas point, et les raisins de ta vigne intacte, tu ne les vendangeras pas : ce sera une année de chômage pour le sol.
Le sol en repos sera à vous pour la consommation : à toi, à toncesclave, à ta servante, au mercenaire et à l’étranger qui habitent avec toi.
Ton bétail même ainsi que les bêtes sauvages de ton pays, pourront se nourrir de tous ces produits.
(Lévitique 25, 1-7)
La Chemita — l’année sabbatique — est tout d’abord caractérisée par un sabbat en faveur de D.ieu. L’idée qui se manifeste à travers cette institution est immédiatement perceptible : c’est l’hommage de la nation qui remet le sol national à Celui dont elle le détient. Elle exprime ainsi la conviction que la terre nationale ne peut devenir propriété complète du peuple que dans la mesure où D.ieu la lui accorde. Le chabbat de la semaine et l’année sabbatique de la vie collective se situent sur le même plan : dans les deux circonstances se reflète la conception éminemment juive de D.ieu, Créateur et Maître absolu de toute création : D.ieu n’est pas seulement à l’origine de toutes choses, mais il en reste le seul propriétaire. Lui remettre notre œuvre de la semaine, ou nos produits de l’année, signifie Sa reconnaissance comme véritable chef, qui détient seul, et d’une manière permanente, tout pouvoir productif, et qui est la seule source de bénédictions.
L’aspect social de la Chemita est mis en valeur. Le cumul des motifs moral, religieux, éthico-social, national, spirituel, agricole et enfin messianique et cosmologique a donné à cette prescription une valeur exceptionnelle. Elle s’exprime dans ce sens qu’elle n’est valable que lorsque «tous les habitants d’Israël vivent dans leur pays». Aussi longtemps que ce n’est pas le cas, l’idéal d’Israël ne sera pas accompli et il est impossible de la réaliser à fond. L’aspect moral est décrit par l’auteur de Séfer Ha’hinoukh : «Si, d’autre part, D.ieu nous a prescrit non seulement de laisser reposer la terre pendant cette année, mais d’abolir tout droit de propriété sur ses produits, c’est pour que l’homme se souvienne que la nature du sol et ses propriétés ne sont pas la raison suffisante des produits qu’il nous donne, que la terre a un Maître supérieur à ses possesseurs et que, lorsqu’il le désire, Il commande à ses derniers d’en abandonner les fruits.
La pratique de ce commandement a d’autres avantages encore. Il développe la générosité, celle-ci consistant essentiellement à donner sans espoir de récompense. Il augmente la confiance en D.ieu : celui qui a en effet le courage de faire abandon, tous les sept ans, de tous les produits de ses terres et de l’héritage de ses pères, celui qui en use ainsi toute sa vie durant ne succombera jamais à l’avarice ou à un manque de confiance en D.ieu. »
L’auteur du Qeli Yakar écrit que l’année sabbatique constitue également un facteur de rapprochement et de paix. Personne, pas même le plus pauvre, ne sème ni ne récolte, personne n’a droit de propriété sur les produits de la septième année. Il y a là, sans aucun doute, un motif de bonne entente, la plupart des querelles ayant leur origine dans l’instinct de propriété qui fait dire, à l’un comme à l’autre : « Tout ceci m’appartient».
Pendant la septième année du moins, tous son égaux et c’est là le secret de la paix. En outre l’année sabbatique nous enseigne, d’une façon exceptionnelle, et la foi et la confiance en D.ieu.
Au point de vue agricole, Maïmonide (Guide des Egarés 3, 39) avance que «l’année sabbatique» s’explique aussi par l’idée qu’en restant en friche la terre se bonifiera et deviendra plus fertile.
Na’hmanide décrit «l’année sabbatique» au point de vue national. Il estime que la Torah a l’intention de défendre de vendre définitivement des terrains à ceux qui ne les rendraient pas au Jubilé. Car «à D.ieu est toute la terre et Il dispose de ses habitants comme Il l’entend».
Le Rav Kook (Introduction à Chabbat Haaretz) voit, dans l’arrêt imposé aux conditions habituelles du travail, à la poursuite du gagne-pain, aux transactions commerciales (la remise des dettes se rattache évidemment à tout cet ensemble), «dans le renoncement à ce sacrilège que constitue le souci excessif de la propriété individuelle », autant de moyens pour purifier l’âme et pour permettre aux dispositions surnaturelles dont a été dotée l’âme du peuple de trouver leur épanouissement.
Une année de repos complet est une nécessité pour le peuple comme pour la terre, année de tranquillité et de paix profondes, sans oppresseur ni tyran : « Il n’exercera pas de contrainte contre son prochain et son frère, dès qu’on aura proclamé la rémission en l’honneur de l’Eternel» (Deutéronome 15, 2). Plus de droit de propriété faisant valoir ses exigences : une paix surnaturelle plane sur tout ce qui vit. « Ce que produira la terre pendant son chabbat vous servira de nourriture, à toi, à ton serviteur et à ta servante, à ton mercenaire et à l’étranger qui demeurent avec toi, à ton bétail et aux bêtes sauvages de ton pays : tout son produit servira de nourriture » (Lévitique 25, 6). L’intransigeance habituelle de l’instinct de propriété ne vient plus profaner la loi sainte concernant tous les produits du sol de cette année, et la convoitise aiguisée par le commerce tombe dans l’oubli : « Pour la nourriture, dit le texte, et non pour le commerce ».
La générosité règne ainsi que la reconnaissance pour la bénédiction divine que constituent les produits du sol : « pour la nourriture et non pour la perte » (Pessa’him 52), où se trouve précisée l’interdiction de laisser se perdre un produit pouvant servir à l’alimentation.
L’homme revient à son état naturel, la santé, au point de n’avoir plus besoin de remèdes conçus pour des maladies, qui, la plupart, résultent d’une rupture d’équilibre due à la méconnaissance de sa véritable nature spirituelle et matérielle : « pour la nourriture et non pour les médicaments» (Soucca 40a).
Adapté à partir de LA VOIX DE LA TORAH