Moïse parla aux chefs des tribus des enfants d’Israël en ces termes:«Voici ce qu’a ordonné l’Eternel. Si un homme fait un vœu à D.ieu, ou s’impose par un serment quelque interdiction à lui-même, il ne peut violer sa parole:Tout ce qu’a proféré sa bouche, il doit l’accomplir.
(Nombres 32, 2-4)
L’auteur du Netivot Chalom objecte: A priori, il fallait écrire Lo ya’avor devaro (Il ne transgressera pas sa parole) au lieu de Lo ya’hel devaro en employant la racine ‘Avor au lieu de la racine ‘Hallol (profaner).
D’autre part la suite du verset Tout ce qu’a proféré sa bouche, il doit l’accomplir. parait être une répétition de ce qui précède.
La réponse à ces questions, écrit-il, se trouve dans l’enseignement de Rabbénou Yona : L’homme qui sanctifie sa bouche la rend »un ustensile de service » jadis utilisé dans le Temple et dont la propriété était de « consacrer » l’objet contenu dans ce récipient. (Pirké Avot 1,17).
L’offrande appelée min’ha (oblation) placée dans ce récipient revêtait immédiatement un caractère de « sainteté ». Ainsi l’homme qui sait préserver sa bouche de tout mal, de toute parole mensongère, de toute râillerie, de toute ruse, confère à sa bouche un statut de sainteté.
Pourquoi alors la bouche se distingue-t-elle de tous les autres organes pour mériter ce bienfait ?
«Ce peuple Je l’ai formé pour Moi, pour qu’il publie Ma gloire» déclare D.ieu par le truchement du prophète Isaïe (43, 21). Ce qui signifie que la fonction du peuple d’Israël de réciter des louanges à D.ieu confère de facto à leur bouche un statut particulier.
De plus, l’essentiel du service divin est effectivement réalisé en majeure partie, par ce même organe: étude de la Torah, prières, lectures des psaumes. D’autres commandements font appel à la parole: Nous en citerons quelques uns : le souvenir du Chabbat en récitant le kiddouch, le souvenir de ‘Amalek…
Le Ari zal explique à partir de ce même verset, que l’homme est une source discontinue de création d’anges. Une bonne parole créera un ange défenseur pour celui qui la profère, une mauvaise parole créera quant à elle un ange accusateur d’où l’injonction de la Torah: «Il ne peut violer sa parole».
Cet enseignement est corroboré par un passage du Talmud.
Rava dit: « Celui qui dit des paroles futiles, transgresse un commandement positif de la Torah. » (Yoma 19b)
A priori il est difficile de comprendre pourquoi prononcer des paroles « futiles » revêt cette gravité. Il ne s’agit pourtant pas de paroles interdites!
A nous de conclure que la caractéristique essentielle du peuple d’Israël: c’est la parole qui émane d’un véritable »ustensile de service » qu’est la bouche.
Le Zohar va plus loin en expliquant que la parole peut être le véhicule de la construction ou la destruction de mondes spirituels. De même que l’étude de la Torah ou la récitation de psaumes peut être à l’origine de mondes spirituels nouveaux créés à l’infini, de même la calomnie ou la médisance peuvent avoir des effets ravageurs dans les mondes spirituels.
Dès lors il nous est plus facile de comprendre vu l’importance et l’impact de la parole, comment celle-ci peut déterminer un vœu, une consécration ou son contraire.
Rabbi Yaacov Abi’hssira explique que ce qui différencie l’homme de l’animal c’est la spiritualité, qui est sa vitalité. Or celle-ci émane de l’homme par la bouche, et chaque parole rejoint sa source dans les mondes supérieurs et entraîne une série de réactions.
De ce fait l’homme peut provoquer par des paroles propres et saintes « l’arrangement » des mondes supérieurs et de même -que D. nous en protège-, par sa parole, il peut détruire des mondes, comme il est dit: «La médisance est équivalente aux trois fautes capitales qui sont l’idolâtrie, les relations illicites, et le meurtre». (Talmud de Jérusalem Péa 1, 1)
Le roi David ne nous a-t-il pas mis en garde?
«Quel est l’homme qui souhaite la vie, qui aime de longs jours pour goûter le bonheur? Préserve ta langue du mal, et tes lèvres des discours perfides. Eloigne-toi du mal et fais le bien, recherche la paix et poursuis la». (Psaumes 34, 13-17)ׁ
Le roi Salomon ne nous a-t-il pas mis en garde ?
«Mettre un frein à sa bouche et à sa langue c’est se préserver de bien des tourments». (Proverbes 21, 23)
Ces mises en garde sont nécessaires, explique Rabbi Yaacov Abi’hssira, car pour pouvoir préserver le capital acquis par les prières, les psaumes, l’étude de la Torah, il faut veiller à ne pas rendre impur cet « ustensile de service » qu’est la bouche par des paroles interdites et ceci nécessite des efforts constants comme le proclame le roi Salomon lui-même « Tout le labeur de l’homme est au profit de sa bouche ». (Ecclésiaste 6, 7) (Pitou’hé ‘Hotam)
Rav Yaacov Amsellem