La Torah comporterait, non pas cinq, mais sept livres !

Et ils firent, à partir du mont de l’Eternel, un chemin de trois jours.  L’arche de D.ieu marcha à leur tête l’espace de trois journées, pour leur choisir une halte, et la nuée de D.ieu planait au-dessus d’eux, le jour, à leur départ du camp.

Or, lorsque l’arche partait, Moïse disait : « Lève-toi, D.ieu  afin que Tes ennemis soient dissipés et que Tes adversaires fuient de devant Ta face ! » Et lorsqu’elle faisait halte, il disait : « Reviens siéger, D.ieu parmi les myriades des milliers d’Israël ! »

(Nombres 10, 33-36)

 

Ces versets, récités dans nos synagogues les jours de lecture de la Torah  sont d’une importance particulière qui s’insère difficilement dans le contexte. A tel point que, d’après certaines opinions, ils constituent à eux seuls l’un des livres de la Loi. Ainsi, la Torah comporterait sept livres au lieu de cinq. Dans le texte de la Torah, ce passage est placé entre deux noune renversés qui forment une parenthèse. Rachi précise que ce passage se trouve à cet endroit pour marquer une interruption entre deux événements malheureux. Il s’agit du départ du Mont Sinaï qu’Israël effectua avec soulagement comme un enfant qui s’enfuit de l’école et du triste épisode des contestataires avides de viande.

Essayons à présent d’approfondir ce sujet.

Le Talmud rapporte : «Ce passage, D. l’a encadré de  »simanyot  » (signes en manière de parenthèses ou crochets) pour indiquer qu’il ne se trouve pas là à sa place. Rabbi dit que ce n’est pas à ce titre qu’ont été mis ces signes, mais parce que ce passage peut être considéré en soi comme un livre (de la Bible), ainsi que l’indique Rabbi Samuel bar Na’hman au nom de Rabbi Jonathan : «  La Sagesse s’est bâti une maison . Elle en a sculpté les sept colonnes» (Proverbes 9, 1), ce sont les sept livres de la Torah, conformément à la thèse de Rabbi. Contradictoirement à celle-ci, Rabban Siméon ben Garnliel estime que ce passage sera dans le futur retiré de là pour être remis à sa place et que, si (pour le moment) il figure ici, c’est pour établir une séparation entre deux défail­lances successives (d’Israël). Sa place véritable, selon Rav Achi, se situe à la descrip­tion des bannières » (Chabbat  115b, 116a). (De cette description jusqu’ici il y a cinquante paragraphes, nombre représenté par la lettreנ   que nous trouvons ici inversée).

Les parenthèses (ou crochets) en question ont la forme d’un  נrenversé, qui est, selon une opinion citée dans le Talmud celui qui manque dans l’acrostiche alphabétique du psaume 145 (couramment intitulé achré). Il signale la chute (nefila) aussi est-il repris au verset suivant  « Dieu soutient tous ceux qui tombent ». Si donc les נ qui apparaissent ici à l’envers annoncent le début de la chute d’Israël (dont la première défaillance était la fuite en vue de se dérober aux lois du Sinaï), ils marquent en même temps l’espoir du soutien divin.

Maintes interprétations ont été données à ces signes. Contentons-nous d’indiquer encore celle du Zohar, selon laquelle le נ   représente ici la Majesté divine (Chekhina), qui s’apprête à  soutenir  ceux  qui  vont  tomber.  Lorsque  l’Arche  s’éloigna  d’une  distance  de  trois journées — marquant le désir de s’écarter d’Israël qui se montrait ingrat — Moïse appela : «Lève-Toi, ô Eternel! Ne nous abandonne pas, fais halte et attends-nous. Retourne-Toi, regarde derrière l’Arche et vois Ton peuple ».  « Mon bien-aimé est pareil au chevreuil ou au faon des biches (qui se retourne tout en prenant de l’avance) (Cantique des cantiques 11, 9). Le voici qui se tient derrière notre muraille, qui regarde par les fenêtres, qui observe par le treillis!». Puis d’ajouter: «Reviens siéger, ô Eternel, parmi les myriades des milliers d’Israël ! »

Nous lisons dans le Talmud que la Majesté divine (Chekhina) ne repose jamais sur moins de vingt-deux mille âmes : vingt-deux mille était le nombre des légions célestes entourant le trône divin. C’était également, par ailleurs, le compte de la tribu des Lévites et Moïse implora D.ieu de revenir siéger parmi ceux-ci, qui étaient restés des justes en toutes circonstances (Yebamot. 64 a).

La conception, selon laquelle ces deux derniers versets doivent former un livre important à part, est étudiée par Rabbi Chimchon Refael Hirsch comme suit. «Cette marche à travers le désert s’accompagne, à chaque départ comme à chaque arrivée, d’une prière dont le texte figure dans les versets 35 et 36 du chapitre 10,   versets qui accompagnent aujourd’hui encore la sortie et la rentrée du sépher Torah lors des offices publics. Selon la tradition dont les textes hébraïques portent la trace, ces deux versets sont encadrés de deux « noune » renversés, placés là comme signes particuliers destinés à faire ressortir ces versets du contexte, ceux-ci formant ainsi un livre particulier. En conséquence, le quatrième livre de la Torah se composerait en réalité de trois parties : la première, du début des Nombres jusqu’au verset 34 (inclus) du chapitre 10, la deuxième constituée par les versets 35 et 36,  la troisième allant du chapitre 11 à la fin du livre.

La Torah comporterait donc, non pas cinq, mais sept livres, auxquels, selon Rabbi Jonathan, ferait allusion la phrase des Proverbes (9 ,1) «La Sagesse s’est bâti une maison et en a sculpté les sept colonnes. »

Il s’agit pour nous de comprendre le sens de cette indication particulière. Quel en est le contenu ? Chaque fois que l’Arche Sainte se met en mouvement, Moïse appelle la présence de D.ieu à la tête du dispositif de marche, pour assurer la dispersion des ennemis. Quand l’Arche marque un temps d’arrêt, Moïse invite la présence divine à rejoindre les milliers d’Israélites. Moïse sait que l’Arche, symbole de la Loi, rencon­trera au cours de sa marche à travers le monde d’innombrables ennemis, et que seule une aide divine permanente évitera à la Loi et à ses porteurs, de succomber sous les coups des assaillants. Il sait qu’aussi longtemps que cette Loi reposera sur les épaules du peuple, elle vivra victorieusement.

Autrement dit, le jour où l’Arche de D.ieu, incarnation de Sa volonté, aura trouvé la paix et la reconnaissance des hommes, Israël aussi pourra se grouper autour d’elle, dans une harmonie qui ne sera plus troublée, en une multitude qui dépassera de loin le nombre des fils d’Israël du passé. (Effectivement, le texte parle des « myriades de milliers » d’Israël, ce qui représente au minimum le nombre de vingt millions d’individus, chiffre qui ne fut jamais encore atteint durant l’histoire du peuple, mais qui pourra être celui des temps messianiques, auxquels cette vision se rapporte). Les deux versets ressortent de l’ensemble du récit, et sont extérieurement marqués dans leur caractère spécifique. Nous sommes en présence d’une prophétie extraordinaire, qui nous offre la vue la plus large sur l’avenir du peuple. Toute l’histoire d’Israël, si intimement liée au destin de la Loi, est devant nous.

L’identité totale de la volonté de D.ieu avec celle du peuple ressort de ces versets comme le but final à atteindre. Ces deux versets sont donc le véritable guide, qui, au delà des temps du désert, donnera sa direction à la marche de la nation.

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