Le dixième Commandement apparaissait en lettres flamboyantes, tournoyant dans les hauteurs célestes, pendant que la voix divine environnait le peuple et l’exhortait en ces termes : O fils d’Israël !
«Ne convoite pas la maison de ton prochain.»
N’envie pas la femme de ton prochain, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne, ni rien de ce qui est à ton prochain. »
G ardez-vous bien de la cupidité ; fuyez les désirs illicites ; abhorrez la concupiscence ; tous ces vices sont cause des calamités. Celui qui ne peut maîtriser ses passions n’est pas clairvoyant, mais aveugle ; il ne se rend pas compte de ses actes. Il prend ce qui est amer pour doux et ce qui est doux pour amer. Il ne peut distinguer l’océan de la terre, ni la terre de l’océan ; pour lui, la perfidie est droiture et la droiture perfidie. La convoitise qui s’est emparée de son cœur, qui a triomphé de ses yeux, est comparable aux nuages déversant une pluie torrentielle, ou au fleuve rapide emportant tout sur son passage, entraînant et englobant tout ce qu’il peut. Ainsi, la volupté stupide, la passion ruinent, perdent tous ceux qui s’y adonnent, aveuglent leurs favoris, les empêchent de discerner le bien du mal, insensibilisent leur cœur. Celui qui sait s’en écarter verra prospérer ses affaires, sa condition s’améliorer ; qui s’attache à la religion aura de la considération, accroîtra ses biens et ses richesses. Pour avoir su attendre dans la résignation, il aura trouvé son contentement, puis la satisfaction, la prospérité, la fortune, la dignité, et alors il n’aura plus rien à souhaiter. La convoitise, au contraire, engendre le gaspillage, la perte, la ruine, le malheur, le déshonneur, la vicissitude, la pauvreté, l’avilissement de celui qui la poursuit et qui finira accablé de tous les maux.
Ainsi, mes enfants, gardez-vous bien de convoiter ce qui ne vous appartient pas. Contentez-vous de ce que je vous ai accordé. Si vous observez votre Loi, l’Eternel vous aimera et ses anges vous seront favorables. Ayez soin de ne point transgresser ses commandements. Ne désirez pas ce qui n’est pas votre propriété, ce que possède votre prochain, car le Tout Puissant, qui vous a donné des biens, vous en octroiera d’autres si vos pensées sont pures et sincères envers lui et vous obtiendrez de sa suprême bonté le bonheur perpétuel, ainsi qu’il est dit dans la Tora : «De la sorte, tu seras heureux et tu verras tes jours se prolonger. »
« Les dix Commandements » du Rav Saadia Gaon – Traduction du grand Rabbin Morali