Notre maître Moïse a ordonné que chaque chabbat et chaque fête, il y ait une lecture publique de la Torah. Le chabbat, on lit la section de la semaine, partagée entre sept appelés; le Maftir (huitième appelé) reprend les derniers versets du précédent, et lit ensuite un chapitre des prophètes en rapport avec la section chabbatique.
Aux fêtes, on lit une section de la Torah rapportée au caractère de la fête, avec 5 appelés (six le Yom Kippour). Le Maftir lit une section dans la paracha de Pin’has, en rapport avec la fête puis la Haftara,chapitre des prophètes également en rapport avec la fête.
Un chabbat qui coïncide avec Roch ‘Hodech, ‘Hanouca ou Pourim on sort deux rouleaux de la Torah. Dans le premier, on lit la section de la semaine, dans le deuxième on appelle le Maftir pour lire la section particulière qui se rapporte à l’événement : le chapitre des prophètes de la haftara est choisi en conséquence.
Il y a en plus certains chabbatot où, pour une raison spéciale, on sort un deuxième rouleau de la Torah : Il s’agit des Arba Parchiyot(quatre sections) , éche¬lonnées entre la fin du mois de Chevat et la fin d’Adar. On y lit, pour Maftir, une des sections suivantes : Chékalim, Zak’hor, Para, Ha’hodech, les deux premières sont placées avant Pourim, les deux suivantes entre Pourim et la néoménie de Nissan.
Dans les années intercalaires, comme Pourim est toujours fêté en Adar II, Chékalim est lue le chabbat qui précède Roch ‘Hodech Adar Chéni. Parachat Zak’hor est lue toujours le chabbat qui précède Pourim, Parachat Ha’hodech le chabbat qui précède Roch ‘Hodech Nissan; Parachat Para précède immédiatement parachat Ha’hodech.
Parachat Chékalim se trouve dans Exode 30, 11 à 16 ;
Parachat Zak’hor dans Deutéronome 25, 17 à 19 ;
Parachat Para dans Nombres 19, 1 à 22 ;
Parachat Ha’hodech dans Exode 12, 1 à 20.
Les Arba Parchiyot se répartissent, entre la fin du mois de Chevat et le 1er Nissan, sur une période de 5 Chabatot (parfois 6). Il y a donc au moins un chabbat de hafsakah (interruption).
PARACHAT CHEKALIM
A l’époque du Temple, chaque homme en Israël devait donner, chaque année, une contribution d’un demi-sicle, comme participation aux dépenses du culte des sacrifices dans le Sanctuaire : achat des animaux pour le sacrifice perpétuel, les moussafim pour Chabbat, Roch ‘,Hodech et jours de fêtes, libations, ménahot, ingré¬dients pour les parfums… Ces dépenses devaient être assurées d’an¬née en année, à compter chaque fois du 1er Nissan. Le texte pré-cise (Ex. 30, 15) : « le riche n’augmentera rien, le pauvre ne diminuera rien de la moitié du sicle », l’indigent dût-il pour cela emprunter cette somme.
Cette contribution devait parvenir au trésorier du Temple avant le 1er Nissan, chaque année. Car Roch ‘Hodech Nissan on pré¬levait obligatoirement, pour la première fois dans l’année, de l’argent de cette collecte afin d’acheter les animaux pour les sacrifices; et cette contribution était destinée à faire expiation pour chaque personne.
C’est pourquoi, dès Roch ‘Hodech Adar, on faisait annoncer dans toutes les communes du pays qu’il fallait, dans les prochaines semaines, apporter les chékalim.
A partir du 15 Adar, les changeurs siégeaient dans chaque ville pour encaisser les Chékalim ; à partir du 25 du mois, on venait exiger le paiement chez les retardataires.
Nos Sages ont ordonné de plus, que le Chabbat qui précède Roch ‘Hodech Adar ou, si celui-ci tombait un chabbat, le Roch ‘Hodech même, on fasse dans l’office de Cha’harit la lecture de parachat chékalim. Car le Chabbat la plupart des gens se trouvent rassemblés dans les synagogues et les maisons d’étude, et cette lec¬ture constitue le premier appel pour la collecte des chékalim.
Bien que depuis bientôt deux mille ans, nous n’ayons plus ni Temple ni culte des sacrifices, et que la collecte des chékalim de ce fait devienne impossible, nos Sages ont maintenu l’usage de lire cette section de la Torah à la date fixée jadis : cette lecture nous sera comptée comme si nous avions accompli effectivement la mitsva, selon la parole du prophète Osée (14. 13) : « Nous voulons remplacer les taureaux par cette promesse de nos lèvres ! » De plus, l’espoir de voir reconstruit notre Sanctuaire est toujours vivant, et ce moment venu, les mitsvot devront être « ordonnées dans nos mains ! »
La valeur particulière de cette mitsva du demi-Chékel c’est de nous apprendre à aimer chaque juif, si humble et insignifiant qu’il nous paraisse! N’ont-ils pas tous la même part dans les offran¬des publiques? Il n’y a ni riche ni pauvre devant l’Éternel, nous sommes tous proches de Lui, et la part de chacun de nous est indis¬pensable pour achever l’œuvre.
CHABBAT CHÉKALIM
Lorsque Roch ‘Hodech Adar tombe un jour de semaine on sort à Chabbat Chékalim deux Séfarim : dans le premier, on lit la section sabbatique partagée entre 7 appelés; dans le deuxième rouleau, on lit Parachaî Chékalim (Exode 30, 11 à 16).
Si Roch ‘Hodech tombe chabbat, on sort à cette occasion 3 Séfarim : le premier, pour la section de la semaine (6 appelés); le deuxième, pour la paracha de Chabbat et Roch ‘Hodech (Nombres 28, 9 à 15); le troisième pour parachat Chékalim. Le maftirr est toujours appelé pour parachat Chékalim ; car même si la lecture de la Torah se répartit entre trois sujets différents, la Haftara ne peut se rapporter qu’à un de ces trois sujets, en l’occurrence à parachat Chékalim qui est lue en dernier. Cette haftara parle de la remise en état du Temple, au cours du règne du Roi Joas, après un appel à la générosité du peuple (II Rois 11, 17 à 12, 17). Or l’ordre dans lequel on lit les diffé¬rents textes dans la Torah est dicté par la règle tadir vecheeno tadir tadir kodem : ce qui est le plus fréquent, vient en premier : la péricope de la semaine avant la section de Roch ‘Hodech, puis à la fin para¬chat Chékalim, la moins fréquente des trois.
Dans de nombreuses communautés de rite achkénaze, on lit des Pioutim à l’occasion de Chékalim, dans la répétition de Cha’harit et de Moussaf. Chez les Séfardim, aucun piyout n’est récité.
REMARQUES DIVERSES SUR CHEKALIM
On peut se demander pourquoi la parachat Chékalim précède celle de Zak’hor alors que la mitsva de détruire Amalek précède, dans la Torah, celle de Chékalim?
A ce sujet, le Talmud (Méguila 13b) explique : Celui qui a créé le monde savait que pour mieux réussir dans ses projets sinistres, Haman devait promettre au roi de mettre à sa disposition dix mille kikar d’argent contre la signature des décrets d’anéantissement des juifs de son royaume. Aussi D.ieu a t- il ordonné à la Communauté d’Israël de donner chaque année au mois d’Adar un demi-sicle par tête (muliplié par 600 000, cela représente 100 000 kikar)
Les Chekalim du peuple juif ont donc précédé et de loin, ceux de Haman ! C’est pour cette raison que l’appel aux Chékalim a lieu dès le 1er Adar.
De nombreuses raisons ont été indiquées aussi pour le choix d’un demi-sicle (et non d’un siècle entier) comme contribution de chaque homme. Le demi-sicle est appelé « cofer néfèch » rachat pour une faute très grave : celle du veau d’or. Or dit le Talmud Yérouchalmi, c’est la moitié de la journée seulement qu’ils ont adoré le veau d’or : c’est pourquoi le Saint béni soit-Il ne leur demanda comme rançon que la moitié du siècle.
Dans un autre ordre d’idées, un de nos Maîtres a dit que l’homme doit toujours juger avec modestie l’effort qu’il a accompli dans son service divin en se disant : si seulement j’ai fait la moitié de ce que j’aurais été capable d’accomplir !
D’après un autre avis, le demi-sicle doit nous rappeler chaque année que si les hommes ont dansé devant le veau d’or, leurs femmes au contraire ont refusé toute participation à cette faute ! C’est donc la moitié seulement du couple qui a besoin de cette somme de rachat.
UNE PETITE RANÇON POUR RACHETER UNE GRANDE FAUTE
Rabbi Yehouda dit au nom de Rabbi Yo’hanan : Lorsque D.ieu dit à notre maître Moïse: Chacun paiera à l’Éternel le rachat de sa personne (Exode 30, 18) il se demanda, saisi d’effroi : Quel est l’homme capable de racheter sa personne? Le Satan ne réplique-t-il pas à l’Éternel (Job 2, 4) : « Tout ce que possède l’homme, il le donne pour sauver sa vie ».
D.ieu répondit alors à Moïse : Je ne demande pas à l’homme de se racheter d’après Mes possibilités (qui sont illimitées), mais d’après les siennes! « Ceci ils donneront »!… Comment comprendre la frayeur initiale de Moïse?
Rabbi Yehouda ben Il’aï dit : On trouve parfois que la rançon demandée à un homme doit être de 1 Kikar d’argent, somme fabuleuse (I Rois, 20, 39). Rabbi Yehochoua répondit : Il l’apprit de la loi sur le calomniateur (Deutéronome 22, 19) que la Torah condamne à payer 100 sicles d’argent! Or le peuple d’Israël n’avait-il pas calomnié en déclarant, devant le veau d’or : voici tes dieux, Israël ? Chacun d’eux devrait-il donc payer 100 sicles ? Rech Lakich dit alors : Moïse l’a-t-il appris de la loi sur le séduc¬teur, au sujet duquel il est dit : Il donnera au père de la fille violée la somme de 50 pièces d’argent… Ou encore, selon un autre maître, de la loi sur le taureau agresseur (Exode 21, 32) ou une somme de 25 pièces d’argent est exigée du responsable de cet homicide !
Mais D.ieu dit à notre maître Moïse : Voici ce que donnera chacun qui sera dénombré : un demi-sicle d’argent ! Et Moïse de s’étonner une fois de plus : une petite pièce d’argent peut-elle servir de rachat à ceux qui se sont prosternés devant le veau d’or? Rabbi Méir expli¬que enfin : le Saint béni soit-Il lui montra comme la forme d’une monnaie en feu, le poids en était un demi-sicle, et II lui dit : ceci ils donneront ! Que nous apprend cette métaphore ? Un homme peut donner une grosse somme d’argent sans pour autant obtenir le pardon : c’est qu’il ne regrette pas sa faute, il sera donc entraîné par elle toujours plus bas : il tombe, et son argent, son or tombent avec lui ! Mais le demi-sicle en argent, s’il est donné par un homme qui s’est arraché à l’emprise de la faute, qui a fait pénitence, cette « monnaie de feu » l’entraîne plus haut, toujours plus haut, jusqu’au trône du Seigneur !
Ceci étant, pourquoi la Torah a-t-elle ajouté : le riche n’augmentera rien, le pauvre ne diminuera rien du demi-sicle…? C’est que cette uniformité dans la somme offerte comme rançon par chacun, souligne l’unité de notre peuple. La Torah dit en quelque sorte : le riche, pour cette mitsva, ne donnera pas une somme supérieure au demi-sicle « Afin que le pauvre ne se sente pas humilié » ; la modicité de la contribution étant à la portée de tous !
Par nos fautes et par celles de nos ancêtres, nous n’avons plus de sanctuaire, plus de culte des sacrifices, donc plus de mitsva de ma’hatsit hachékel. Mais la lecture de la paracha n’a pas été abolie pour autant. Car une des idées essentielles de cette mitsva ainsi que la lecture publique de la paracha qui en parle, c’est d’éveil¬ler en nous l’esprit de générosité, c’est de nous apprendre à faire don de ce que nous possédons pour accomplir la volonté de l’Éternel. C’est peut-être aussi d’éveiller en nous la nostalgie des temps lointains où cette mitsva fut observée par tout Israël : ainsi mériterons-nous, peut-être, de voir reconstruire notre Saint Temple de notre vivant !