Ils s’attroupèrent autour de Moïse et Aharon et leur dirent : « C’en est trop de votre part ! Car tous les fidèles sont tous saints, D.ieu règne parmi eux et pourquoi vous placez-vous au-dessus de la communauté de D-ieu ? »
(Nombres 16, 3)
Rachi explique : Tous sont saints. Tous ont entendu au Sinaï les paroles prononcées par le Tout-Puissant. Le commentateur Sfomo commente : Tous sont saints : Chacun d’eux est saint de la plante des pieds jusqu’à la tête, selon la recommandation divine disant, vous serez saints pour votre D.ieu.
Il vaut la peine d’examiner le milieu où l’émeute prend sa source. Les trois chefs, Kora’h, Datane et Aviram, sont originaires des tribus de Lévi et de Ruben. Ces deux tribus, pour des raisons différentes, mais apparemment valables, avaient toujours formulé des revendications précises portant sur la direction de la nation : Ruben en vertu de son droit de premier-né, Lévi en raison de son rôle de tribu des prêtres. Or ce n’est ni à l’une ni à l’autre que D.ieu a effectivement décerné ce privilège. Cette décision, dont déjà Jacob dévoila la raison, ne peut manquer de laisser une certaine amertume, surtout dans l’âme d’individus ambitieux, tels que ceux qui prennent ici la tête du soulèvement.
C’est ainsi que Kora’h jalouse son cousin Aharon, qui avait pris le poste de Grand-Prêtre, et son autre cousin, Elitsaphan fils d’Ouziël, à qui avait été offerte l’administration de sa tribu familiale, celle des fils de Kehat. « Que fit-il alors ? Il convoqua deux cent cinquante dirigeants de sanhédrin, la plupart appartenant à la tribu voisine, de Ruben, tels Elitsour fils de Chedéour et ses compagnons. » (Rachi).
Elitsour — chef de la tribu de Ruben —-, avec la majorité des dirigeants de sanhédrin, et Datane et Aviram étaient, tous, mécontents de l’attribution des prérogatives de premiers-nés aux Lévites. Ces prérogatives leur avaient été enlevées deux fois de suite, des membres de la tribu de Ruben s’irritant de voir celle-ci privée de son droit d’aînesse au profit de Joseph : Ils soupçonnaient Josué, le serviteur de Moïse (qui était de la tribu d’Ephraïm), d’avoir manigancé, grâce à ses relations personnelles, l’avantage accordé à sa tribu sur toutes les autres. (Ibn Ezra).
La jalousie a motivé la colère de Kora’h contre Moïse. C’est là une vérité établie. Nous sommes tentés de classer cette jalousie dans la catégorie des sentiments louables, celle qui favorise l’émulation. La jalousie des scribes accroît la sagesse, déclarent nos Sages. En effet, Kora’h envie les qualités morales de Moïse et désire les acquérir. Caïn aussi avait jalousé les qualités de son frère Abel. Ce sont elles qui avaient valu l’acceptation du sacrifice de ce dernier par l’Eternel.
Caïn désirait également que son sacrifice soit admis. Dans notre sujet aussi, la conduite de Kora’h semble compréhensible. Et en effet, Na’hmanide précise qu’Aharon, le frère de Moïse, était enclin à donner raison à Kora’h. Na’hmanide puise sa thèse dans le verset : « Et il (Moïse) tomba sur sa face.». La Torah ne dit pas qu’ils (Moïse et Aharon) tombèrent sur leur face. Car Aharon, homme de valeur morale inégalée, ne s’est pas jugé concerné par cette querelle. Il a gardé le silence, comme pour signifier que la valeur de Kora’h est supérieure à la sienne.
Pourquoi la Torah a-t-elle alors condamné Kora’h?
«Une femme sage construit sa maison, mais une femme stupide la détruit de ses propres mains» (Proverbes 16, 1)
Même la femme de One Ben Pélette, que nos Sages louent pour sa conduite, a tout fait pour dissuader son mari de suivre Kora’h. Comment s’y est-elle prise ? Elle dit à One, son mari : » Si Moïse est le maître, tu es le disciple. Si c’est Kora’h qui est le maître, toi tu resteras disciple. Qu’as-tu à gagner si tu prends position pour l’un ou pour l’autre ? Tu n’as aucun intérêt à te mêler de cette polémique. » Par contre, la femme de Kora’h n’a pas cessé de fomenter les querelles et les intrigues. Elle s’adressait ainsi à Kora’h, son mari : « Comment peux-tu accepter que Moïse prenne tous les pouvoirs et pourvoie tous les postes importants aux membres de sa famille ? »
Cette intervention de la femme de Kora’h nous indique que nous ne sommes pas confrontés ici à une « jalousie de scribes », mais à de la jalousie pure et simple. Une jalousie condamnable, qui conduit à l’ambition des pouvoirs, à la recherche des honneurs. C’est pourquoi même les nouveaux-nés ont été engloutis par la terre, à cause de leur participation, même inconsciente, à ce soulèvement. La « jalousie des scribes » ne peut avoir pour résultat que la sanctification du Nom de D.ieu et non un châtiment quel qu’il soit.
Moïse notre maître s’est élevé au-dessus de toutes ces querelles. Il ne recherchait point les honneurs. Sa personnalité était appréciée par D.ieu et toute l’humanité. Au point que, comme le disent nos Sages, s’il avait pénétré en Terre d’Israël, le Saint Temple n’aurait jamais été détruit, car les raisons de la destruction du Temple n’auraient jamais existé si un homme de la stature de Moïse se trouvait là. Cela témoigne bien que les être parfaits entraînent la sanctification du Nom de l’Eternel.
La direction du peuple d’Israël est vouée au succès, si elle est assumée par des personnes qui se distinguent par leur abnégation, leur dévouement, et pas seulement par leur grande science ou leurs facultés intellectuelles impressionnantes. L’abnégation suppose le raffinement des aspirations du dirigeant. Ce raffinement s’acquiert par une lutte constante contre la jalousie, les honneurs, la rancune et autres mauvaises tendances.
La jalousie est la manifestation du souci d’affirmer sa valeur personnelle. Elle doit s’effacer et céder la place à la jalousie née du désir d’affirmer la valeur divine et le règne de D.ieu.