LE MERITE DES FEMMES ET ROCH’HODECH
Nos Sages sont en désaccord sur la date de la création du monde. Rabbi Yehochoua pense que le monde a été créé en Nissan et Rabbi Eleazar est d’avis qu’il a été créé en Tichri.
Prenant position dans cette discussion, le Sefath Emeth émet l’opinion qu’en fait, nous nous trouvons en face de deux Créations distinctes : l’une en Nissan et l’autre en Tichri.
Celle de Tichri, point de départ du déroulement continu des lois de la nature (téva), est liée au destin des nations du monde tandis que la création de Nissan, mois de rupture des lois naturelles (Ness) est le propre d’Israël.
Or, la spécificité de D.ieu par rapport à l’homme ne réside pas tant dans la « Nature » mais bien plus dans le renouvellement, le jaillissement inattendu de Son Intervention. D’après le Sefath Emeth, les lois naturelles ne sont qu’une sorte de restriction (tsimtsoum) que le Saint Béni soit-Il s’est imposé à Lui-même. Il a voulu que l’homme, confronté à l’éternel recommencement des phénomènes, puisse trouver le fil conducteur qui lui fera découvrir Sa grandeur et l’amènera jusqu’à Lui.
Mais il s’agit là du cheminement des peuples du monde, dans l’optique de Tichri.
La communauté d’Israël possède, quant à elle, une « voie directe » pour atteindre le Créateur : «… Qui saute par dessus les montagnes » (Cantique des cantiques).
C’est la voie de la Torah : « le mois de Nissan sera pour vous le premier des mois… »
Le premier Nissan de la deuxième année de la Sortie d’Egypte, jour réunit dix couronnements, entre autres l’inauguration du Tabernacle, l’apparition de la Majesté divine au-dessus du Sanctuaire, la consomption des sacrifices par le feu sacré descendu du ciel. (Chabbat 87b)
Les femmes s’étaient empressées d’apporter les premières leurs dons pour la construction du Tabernacle, comme il est dit « Et les hommes vinrent après les femmes » (35, 22). Or, soulignent nos Sages, nous savons que lors de la faute du veau d’or, les femmes avaient refusé de donner leurs bijoux, conformément au rôle qui leur fut assigné depuis la Création (Genèse 2, 18). «D.ieu dit: ce n’est pas bon que l’homme soit seul, Je vais lui faire une aide – qénégdo - face à lui [ou contre lui] ». Rachi explique le sens de qénégdo : « Si l’homme est méritant, elle sera une aide face à lui mais s’il ne l’est pas, elle luttera contre lui ». Devant le refus des femmes, les hommes ont dû donc se défaire de leurs propres pendentifs pour confectionner leur idole (32, 2-3). Il en fut autrement pour la construction du Sanctuaire. Les femmes furent les premières à offrir ce qu’elles avaient de plus précieux. C’est pour cette raison, rapporte le Choul ‘han Aroukh (et le Talmud Meguila 22) que les femmes ont droit à une fête supplémentaire : Roch ‘Hodech où elles n’effectuent pas certains travaux.
Pourquoi justement Roch ‘Hodech ? Comme nous le savons, le Michcan fut inauguré le jour de Roch ‘Hodech Nissan et c’est la raison pour laquelle chaque Roch ‘Hodech reste une fête réservée aux femmes.
Mais nous pouvons également établir un autre lien entre les femmes et Roch ‘Hodech :
Lorsque dans le désert, elles firent don pour le Tabernacle des miroirs de cuivre dont elles se servaient en Egypte, Moïse ne voulut pas les accepter. Toutefois, D. lui demanda expressément de les prendre pour la confection du Kiyor, le bassin servant à l’ablution des Cohanim. (Rachi 38, 8). En effet, c’est au moyen de ces miroirs que ces femmes courageuses avaient redonné une raison de vivre à leurs maris qui, abattus par le terrible esclavage, étaient dans un état de découragement complet. Tout au long de l’histoire, le rôle des femmes fut déterminant au moment où tout semblait perdu. Lorsque le Gadol hador, Amram, décida de ne plus avoir d’enfant, puisqu’on jetait les garçons dans le fleuve, tous les Hébreux l’imitèrent. Ce fut grâce à Myriam, qui réunit à nouveau ses parents, que non seulement Moïse vint au monde mais que le peuple juif fut sauvé de la disparition complète ! Il en fut de même à ‘Hanoucca avec Yehoudith, à Pourim avec Esther et tout au long des générations jusqu’à la Rédemption qui, à l’instar de la Sortie d’Egypte, arrivera comme on le sait par le mérite de notre mère Ra ‘hel et des femmes justes (tsadkaniot).
Telle est la signification profonde de Roch ‘Hodech : subitement, le premier jour du mois, la lune renaît après une absence totale de clarté. Auparavant dans l’obscurité complète, le monde semblait plongé dans des ténèbres éternelles. Ce moment de renaissance de la lumière reste réservé aux femmes, c’est leur fête particulière car ce sont elles qui possèdent, par la force de leur foi le don de l’espoir, le pouvoir du renouveau.
(adapté a partir de Imre Cohen)