rome

Paracha Vayichla’h 5775

L’ULTIME EPREUVE

« Essav courut à sa rencontre, l’enlaça, tomba à son cou et l’embrassa »

(Genèse 33, 4)

La vie de Ya’akov pose les jalons de l’histoire d’Israël. Parti en exil, il traversa une série ininterrompue d’épreuves : d’abord l’hostilité de ‘Essav, puis la fourberie de Lavane et maintenant, de nouveau, l’affrontement avec son frère. Jusqu’à présent, Ya’akov séjournait dans un pays étranger, dans un milieu hostile. Il surmonta aussi cette épreuve et resta fidèle à lui-même : «J’ai séjourné chez Lavane» mais j’ai observé les 613 commandements et je n’ai pas appris de ses mauvaises actions (Rachi 32, 5).

A présent, Ya’akov s’attend à une nouvelle offensive de ‘Essav et prend minutieusement toutes ses dispositions : «Il se prépara de trois façons : en envoyant des cadeaux, en priant, et en se préparant au combat » (Rachi 32, 9). Quelle que soient les modalités de cette confrontation, Ya’akov considère ‘Essav comme un adversaire.

Cependant, l’épreuve qu’il affrontera sera plus éprouvante qu’il ne le pensait. Soudain, l’ennemi menaçant qui avançait à la tête d’une troupe armée fait volte-face et le traite en frère : « ‘Essav courut à sa rencontre, l’enlaça, tomba à son cou et l’embrassa ». L’épreuve de la fraternité, bien plus redoutable que les précédentes, suscita la prière que Ya’akov adressa à D.ieu : « Sauve-moi, de grâce, de la main de mon frère, de la main de ‘Essav » (32, 12).

Effectivement, ‘Essav allait suggérer à Ya’akov : « Voyageons et allons, j’irai à ton côté» (Genèse 33, 12). Marchons ensemble, main dans la main. Suivons le même chemin, nos conceptions se rejoignent. Cette attitude-là constitue le plus grand danger que puisse courir Ya’akov. En effet, s’il accepte ce compromis, il cessera d’être Ya’akov, il cessera d’être Israël.

Notre Patriarche est-il assez fort pour résister à cette terrible tentation ? D.ieu, qui n’envoie d’épreuves qu’aux personnes capables de les surmonter, va donc évaluer la résistance de Ya’akov. La lutte avec l’ange a pour but de tester la nature de sa foi. «Saura-t-il garder, envers et contre tous, son identité spirituelle, sa foi totale» ?

L’ange qui attaque Ya’akov est, selon le midrach, le mauvais penchant (yétsér hara). Le yétsér hara aveugle l’homme et l’empêche de voir D.ieu. Dans le même sens, il est dit «Un homme combattit avec lui vayéavèq ich ‘imo» (Genèse 32, 25). Dans le terme vayéavèk, on décèle le mot avak, poussière. Dans leur lutte, dit le midrach, la poussière s’éleva. C’est le combat contre les forces qui veulent dissimuler, obscurcir par la « poussière », par les idéaux terrestres, la gloire divine dans le monde. Mais par la puissance de sa foi, Ya’akov résista et triompha de son adversaire. Alors, le voyant prêt, D.ieu lui fit affronter l’épreuve suivante, la plus difficile : la fraternité de ‘Essav !

Le peuple juif a traversé la période où « ‘Essav avait pris Ya’akov en haine… » et où il disait dans son coeur « … je tuerai Ya’akov, mon frère » (Genèse 27, 41), le temps où Lavane le trompait, abusait de lui et voulait sa perte : «L’Araméen voulait faire disparaître mon père » (Deutéronome 26, 5).

Le peuple d’Israël a subi l’oppression romaine, les persécutions du Moyen Age et nous pouvons dire qu’en général, à l’instar de notre Patriarche : «J’ai observé les six cent treize commandements et je n’ai pas appris de ses mauvaises actions». Cependant, depuis l’ère de l’émancipation, notre peuple affronte l’épreuve la plus dangereuse : celle de la liberté et de la fraternité avec les nations qui veulent le détacher de son D.ieu. Les portes des ghettos et des mellahs se sont ouvertes et les pertes ont été effroyables. L’identité de notre peuple qui témoigne de l’existence de D.ieu sur terre et de la véracité de Sa loi est en jeu ! Bien qu’au bout du compte, « ton nom sera Israël » et que le Tout-Puissant nous aidera à triompher, notre rôle à nous est de lutter, d’être les artisans de cette victoire.

Aux descendants de ‘Essav qui cherchent à nous attirer à eux en nous suggérant :

«Voyageons et allons côte à côte, unissons nos idéaux, tâchons de nous ressembler, vivons en frères », nous répondons comme Ya’akov : «Les enfants sont délicats… moi, je voyagerai lentement, à mon allure» (Genèse 33, 12-14). Si les parents ont su préserver leur identité juive, les enfants sont les plus menacés par la proposition de ‘Essav ils sont « délicats », vulnérables.

Veillons à leur inculquer les valeurs qui nous différencient des autres peuples et à les armer contre l’assimilation et la fusion avec le milieu ambiant. C’est ainsi que nous triompherons de cette terrible épreuve pour arriver, sains et saufs, au but final, « au lever de l’aube», à l’époque messianique : «jusqu’à ce que j’arrive chez mon maître, à Séïr» répondit Ya’akov à la proposition de ‘Essav. C’est seulement à ce moment, explique Rachi, que nous rejoindrons ‘Essav, comme le dit le prophète: « Et les sauveurs monteront sur la montagne de Sion pour juger la montagne de ‘Essav, et la royauté appartiendra à D.ieu ! (Ovadia 1, 21)

(adapté à partir de Imré Cohen)

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