Myriam et Aharon parlèrent contre Moïse, à cause de la femme éthiopienne qu’il avait épousée, car il avait épousé une femme couchite. Et ils dirent :Est-ce uniquement à Moïse que D.ieu a parlé? D.ieu les entendit.
(Nombres 18, 1-2)
Comment comprendre que de grands personnages comme Myriam et Aharon aient pu dire du mal de leur frère ?
Il est évident que leur intention était pure. Le midrach nous éclaire sur le motif de leur conduite. Le ‘Hokhma ‘im na’hala explique ce verset à partir du commentaire de Rachi :
Ayant appris fortuitement que Moïse vivait séparé de sa femme (Rachi 12, 1), Myriam pensa qu’il ne pourrait pas remplir son rôle de chef et d’exemple s’il adoptait un mode de vie trop saint, trop élevé pour le peuple.
Un homme détaché de toute passion humaine ne peut servir de guide, estima-t-elle. Et c’est ainsi que l’on peut comprendre le verset est-ce seulement et uniquement : « [les commandements] que D. n’a dits qu’à Moïse, les a-t-Il dits seulement et uniquement pour lui ? N’ont-ils pas été dits pour nous aussi ? ». D.ieu a enseigné les lois à Moïse pour les transmettre à tous les Enfants d’Israël. Or il ne pouvait les inculquer que s’il expliquait à tous que la Torah est accessible aux hommes, en leur montrant qu’il est un homme comme eux et non un ange. Sinon, ils risqueraient de tomber dans le péché en disant, de nouveau, comme avant de commettre la faute du veau d’Or : «Moïse, cet homme qui nous a fait monter d’Egypte, nous ne savons pas ce qu’il est devenu » (Exode 32, 1), c’est-à-dire Moïse que nous avons connu comme “homme” lorsqu’il nous a fait sortir d’Egypte, nous ne savons pas ce qu’il est advenu de lui. Nous ne pouvons pas le suivre car il est devenu un ange. C’est donc uniquement par souci du peuple, que Myriam et Aharon ont émis des réserves sur leur frère.
D.ieu leur a alors répondu : « S’il n’était que votre prophète, moi Hachem, Je me manifesterais à lui par une vision… Il n’en est pas ainsi de Moïse, Mon serviteur. De toute Ma maison il est le plus fidèle. Je lui parle face à face, dans une apparition claire et sans énigmes… » (12, 6-8).
Si le rôle de Moïse n’avait été que d’être un prophète, un guide, on aurait pu penser qu’il n’aurait pas dû se comporter ainsi ; mais il a une autre fonction : il est le serviteur le plus proche de D.ieu qui ne sera jamais. De toutes les façons, sa relation avec D.ieu est au-delà de toute conjoncture humaine. De plus « pourquoi n’avez-vous pas craint de parler contre Mon serviteur, contre Moïse ? » Cela signifie que s’il s’est séparé de sa femme, c’est sur Mon ordre, pour être Mon serviteur, lorsque Je lui ai dit au mont Sinaï : « Va, dis-leur de rentrer dans leurs tentes mais toi, tiens- toi ici, avec Moi… »
Myriam a fait une erreur en parlant ainsi, mais son intention était bonne. Et pourtant, elle a été sévèrement punie. A plus forte raison, celui qui médit de son prochain pour lui faire du tort le sera-t-il. Son châtiment sera encore plus grave s’il s’agit d’un maître, d’un Rav. Peut-être cette explication doit-elle nous mettre en garde, toutes proportions gardées, contre la tendance de reprocher au Rav d’être trop rigoureux, trop au- dessus du peuple et de proclamer qu’il est, par cela, responsable des problèmes religieux de sa communauté. N’oublions pas que l’exigence de la loi ne provient pas de lui. Il ne fait que transmettre la volonté de D.ieu à laquelle il est lui-même soumis.
Souvenons-nous de l’épisode de Myriam pour nous éloigner de toute médisance comme nous le demande la Torah. Ainsi serons-nous protégés du châtiment de ceux qui, comme les explorateurs, n’ont pas tiré la leçon du châtiment de Myriam.
(adapté à partir de Imré Cohen)