Je fixerai Ma résidence au milieu de vous et Mon esprit ne vous rejettera pas (Lévitique 26, 38).
Les deux parties de ce verset semblent difficilement compatibles. Pourquoi viendrait-il à l’idée que D.ieu rejette Son peuple alors qu’il installe Sa résidence au milieu d’eux ? Le Tabernacle n’a-t-il pas été édifié en accord rigoureux avec les directives du plan divin et dans le seul but de révéler la Grâce Divine ? Comment dans ce cas l’idée de rejeter le peuple d’Israël peut-il se justifier ?
Na’hmanide donne l’explication suivante : l’Esprit divin étant une émanation supérieure, certaines circonstances peuvent conduire à ce qu’il ne puisse pas cohabiter avec la contingence matérielle. L’incompatibilité entre les valeurs spirituelles et les éléments matériels peut provoquer le retrait de la Grâce Divine. Ici, D.ieu promet de dompter cette incompatibilité et de continuer à résider au milieu du peuple sans que Sa Grâce n’éprouve de répulsion du voisinage corporel humain. Na’hmanide précise que cette thèse constitue l’un des secrets les plus profonds de la Torah.
Le commentateur Sforno avance une interprétation différente : Mon esprit ne vous rejettera pas : à jamais. D.ieu nous promet aujourd’hui, que même si, dans l’avenir, notre conduite parvenait à soulever Sa colère, Il maintiendrait sa Grâce au milieu de nous et ne nous rejetterait pas pour toujours. Sforno rappelle à ce propos le serment divin, exprimé par le prophète: Que les montagnes chancellent, que les collines s’ébranlent, Ma tendresse pour toi ne chancellera pas, ni Mon alliance de paix ne sera ébranlée, dit Celui qui t’aime, D.ieu (Isaïe 54, 10). Cette promesse accompagne tout au long des siècles le peuple d’Israël: il a été rejeté, éprouvé mais pas pour toujours.
La conduite de la Providence Divine est conforme à la loi de « mesure contre mesure ». Nous devons nous demander de quelle façon se révèle la notion de « mesure contre mesure », dans la conduite divine qui refuse d’abandonner pour toujours Israël? Force nous est de conclure que le lien spirituel entre D.ieu et Israël n’est jamais rompu. Il existe toujours au sein du peuple, des Justes, qui sont attachés sans réserve, et en dépit de tous les obstacles et de toutes les adversités, aux valeurs de la Torah, à l’observance rigoureuse de ses commandements, tant dans le domaine des devoirs de l’homme envers D.ieu que dans celui des rapports entre humains. Une « mesure » d’un homme juste vaut d’innombrables « mesures » en faveur de tout le peuple. Nos Sages ont déclaré : Une bonne « mesure » entraîne une « mesure » cinq cents fois plus grande de miséricorde (Sota 11a) et ailleurs : la « mesure » de miséricorde se manifeste beaucoup plus vite que la mesure de châtiment (Chabbat 97a). Il en résulte qu’en cas de conduite condamnable du peuple d’Israël, la bonne « mesure » des Justes a devancé le mal et suscité la miséricorde divine bien plus intensément et bien avant que soit considérée la mauvaise conduite.
Le dirigeant spirituel au sein du peuple juif agit, activement et avec bonne grâce, en faveur du peuple. Son action contribue à l’instauration de la paix entre les différents membres de la communauté. C’est bien l’idée exprimée dans notre section: Si vous vous conduisez selon Mes lois, si vous gardez Mes préceptes et si vous les exécutez — c’est bien l’oeuvre des Justes du peuple—Je ferai régner la paix dans ce pays (Lévitique. 26, 3).
Nous avons tendance à croire que la paix évoquée dans ce verset, est celle souhaitée entre Israël et les autres peuples. Mais les commentateurs bibliques, tels Ibn Ezra, Na’hmanide, et d’autres, interprètent différemment : Je ferai régner la paix entre vous et que ne vous adonniez pas à des querelles intestines, entre frères. La paix entre frères, entre membres du même peuple, est le résultat le plus bénéfique de l’accomplissement des mitsvoh, c’est cela la bénédiction. Cette bénédiction rejaillit sur tout le peuple, autant sur ceux qui observent les mitsvot que sur ceux qui les négligent, ce qui soulève le problème de la solidarité mutuelle entre tous les enfants du peuple. C’est cette solidarité qui vaut à la multitude de profiter de la bonne « mesure » méritée par le Juste.
Nos Sages disent encore : Heureux sont les Justes car, leur mérite est considéré non seulement en leur faveur mais aussi en faveur de leurs enfants et descendants jusqu’à la fin des générations. (Yoma 87 a). Et ailleurs : Heureux sont les Justes, car c’est grâce à eux que la Grâce Divine réside sur la terre (Pesikta Rabati 5, 7).
Les paroles du verset par lequel nous avons commencé, s’éclairent. Je fixerai Ma résidence au milieu de vous, et Mon esprit ne vous rejettera pas ; c’est par le mérite des Justes qui sont parmi vous, ceux-là qui se sacrifient sans cesse pour étudier la Torah, et qui par là, instaurent la paix entre vous. L’abondance et la bénédiction de D.ieu sont accordées au peuple par le mérite des Justes et c’est ce que nous disons quotidiennement dans notre rituel : Les Talmidé Hakhamim — les disciples des Sages — instaurent une paix considérable dans le monde.
(adapté à partir des Leçons Chabbatiques )