« Le Saint, béni soit-il, dit : Faites une expiation pour Moi (devant Moi) Qui ai amoindri la grandeur de la lune. » (‘Houline 60 b).
Rachi se réfère ici à ce passage : « A l’origine, le soleil et la lune avaient été créés égaux, mais la lune a été diminuée pour avoir protesté en ces termes : « Deux rois ne peuvent pas se servir de la même couronne, » (Genèse Rabba).
Le Talmud marque en marge de cette observation qu’il s’agit, d’un secret que seule la Cabbale peut élucider et qui n’est pas à prendre à la lettre. On peut évidemment comprendre que la lune a été «diminuée» et que la lumière qu’elle reflète vient du soleil, sans quoi elle ne serait jamais visible.
Mais Ba’hya Ibn Pakouda nous explique, au nom de la Cabbale, que depuis lors la lune a été frappée par l’interruption du courant divin de la bénédiction et ce fait nous est connu aujourd’hui en plusieurs sens.
En effet, la lune est « l’astre mort » par rapport aux autres astres qui peuplent le firmament et qui ont conscience d’eux-mêmes et conscience de leur Créateur (Maïmonide Yessodé Ha-Thora 12,9).
Son influence sur les événements humains est défavorable depuis qu’elle a été privée du « courant divin ». Ainsi l’auteur du ‘Hinoukh (§ 403) écrit comme une chose allant de soi et n’ayant pas besoin de preuves : «Lorsque les coupeurs d’arbres travaillent, ils opèrent une interruption qui va de la nouvelle lune au cinquième jour du mois. Ceux qui voyagent en mer ne partent pas avant le cinq du mois, après le renouvellement de la lune. On ne fait pas de saignée aux environs de la nouvelle lune. On ne fait pas bouillir le lin dans une cuve pendant l’époque du changement de lune, car cette opération ne réussit pas. Il y a encore une quantité d’autres exemples qu’il serait enfantin de citer. »
Nous ajouterons néanmoins que les jeunes couples préfèrent se marier à l’époque de la lune croissante, d’après l’indication du Choulhan Aroukh (Yoré Déa § 179). En vertu du fait que la réduction de la lune s’est produite, d’après le récit de la création, le quatrième jour, celui-ci est un jour de malédiction où la diphtérie menace les petits enfants. C’est ainsi que le Talmud enseigne: «Le quatrième jour (de la semaine), on jeûnait pour que la diphtérie ne frappe pas les petits enfants. » Si, de nos jours, nous ne nous rendons pas compte de cette influence néfaste de la lune, c’est parce que notre monde est hautement technicisé.
Un autre domaine, en revanche, où l’influence de la lune se fait encore sentir, c’est celui de la différence des sexes.
La néoménie est appelée le «jour de fête des femmes» (Ora’h Hayim § 417), car elle marque le renouvellement mensuel de la femme à l’égard de son mari. Le cycle menstruel, auquel la femme est assujettie en raison de sa nature biologique, a son unique modèle dans le cycle mensuel tracé par la lune et ses phases au firmament. La renaissance de la lune, en vue de présenter sa face obscure au soleil une nouvelle fois et de recevoir le rayonnement de sa brillante lumière, est l’unique occasion dans le royaume de la nature où apparaît le principe cosmique qui inscrit dans les astres la renaissance mensuelle de la femme.
Lorsque D.ieu a, au début de la création, châtié la lune, Il lui a infligé le sort d’être l’astre féminin et II l’a marquée, en même temps, de la faiblesse mensuelle caractéristique des femmes. Il a institué ainsi, depuis les astres jusqu’aux créatures les plus minuscules, le principe des sexes qui s’opposent puis se complètent l’un l’autre. Même l’homme fut créé unicellulaire. Ce ne fut que plus tard que les sexes se différencièrent aussi en lui, et que se manifesta, avec cette différenciation, la faiblesse mensuelle de la femme.
Une conséquence de la position de la lune est le phénomène connu sous le nom de marée. La Genèse nous rapporte que D.ieu a dit au troisième jour de la création : « Que les eaux répandues sous le ciel soient rassemblées en un même point. » Et Rachi note que D.ieu les a rassemblées dans l’océan, qui est la plus grande de toutes les mers. Mais le Midrach applique les mots : « ce qui est tordu ne peut être redressé » (Ecclésiaste 1,15) aux eaux de l’océan, disant que depuis qu’elles sont rassemblées en un endroit, il n’y a plus moyen de les redresser. Or, d’après le Deutéronome Rabba (5,3) c’est avec des pleurs que les eaux d’en bas et les eaux d’en haut se sont séparées. C’étaient les eaux inférieures qui versaient des larmes de dépit pour avoir été ainsi éloignées du trône céleste de D.ieu. Peut-être sont-ce ces sanglots, expression de la rage des eaux rassemblées dans l’océan, que représentent les hautes vagues de la marée montante ? Quand la lune est au-dessus des eaux de la mer, elle les oblige, par attraction, à s’élever jusqu’à une certaine hauteur : c’est ce qui produit le flux ou marée montante. Après ce passage de la lune, les eaux retombent : c’est ce qu’on appelle le reflux ou marée descendante. Lorsque les eaux ont atteint leur plus grande élévation, elles restent stationnaires pendant quelque temps : c’est le moment de la pleine mer.
L’influence de la lune sur notre calendrier est directe et, par conséquent, elle fournit un indice important sur l’exil. Le calendrier lunaire n’a jamais pu rattraper le calendrier solaire et le Midrach Rabba (Ecclésiaste 1,15) s’en afflige, en évoquant à ce sujet la phrase : « Ce qui manque ne peut entrer en compte. »
Les rapports entre la lune et le soleil au firmament servent de modèle aux relations entre Israël et les nations. De même que le soleil rayonne avec majesté au firmament, ainsi les nations dirigent leurs pas sur terre avec splendeur. Mais Israël, marchant dans l’obscurité, ressemble à la lune qui avance sans cesse à travers les planètes et qui montre sa lumière argentée après que le soleil s’est couché. Dès le début même, il a été institué qu’Israël et les nations ne peuvent pas porter en même temps la couronne de la suprématie. C’est pourquoi Israël, comme la lune devant le ciel, doit réduire son format devant les autres nations, jusqu’à ce qu’arrive le jour dont il est dit : « La lune alors brillera du même éclat que le soleil, et la lumière du soleil sera sept fois plus vive, comme la lumière des sept jours, à l’époque où D.ieu pansera les blessures de Son peuple et guérira les meurtrissures qui l’ont atteint. » (Isaïe 30,26).
Jusque-là, la néoménie demeurera un temps où Israël expie Ses fautes, en chaque génération, les péchés resteront pour tout avenir puisqu’ils sont dépendants de la nature et que D.ieu lui-même s’en est rendu responsable. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre la sentence que « l’expiation est pour le Seigneur lui-même». Il est dit, en effet, dans notre prière pour le renouvellement de la néoménie, que la défectuosité de la lune sera un jour entièrement réparée.
(La Voix de la Torah)